Discours du 8 juillet 1801 de Toussaint Louverture, gouverneur de Saint-Domingue, lors de la proclamation de la Constitution de 1801



Peuple de Saint-Domingue,

La constitution coloniale pour cette île importante vient de m’être remise par l’assemblée centrale, composée de législateurs qui, en vertu de ma proclamation du 16 pluviôse dernier, se sont réunis pour établir les lois qui doivent nous régir et nous gouverner. Je l’ai lue avec attention, cette loi, et persuadé qu’elle doit faire le bonheur de mes concitoyens, puisqu’elle est fondée sur les bonnes mœurs, sur les localités, et principalement sur la religion, je l’approuve.

Mais, quand je considère que je suis chargé de faire exécuter ces lois constitutionnelles, je vois que ma tâche est plus pénible que n’a été celle des législateurs. Néanmoins, je l’annonce, quelque vaste que soit cette carrière, je ferai mon possible pour la parcourir. O vous, mes concitoyens, de tout âge, de tout étal, et de toutes couleurs, vous êtes libres, et la constitution qui m’est remise aujourd’hui doit éterniser votre liberté. Prosternons-nous d’abord devant le Créateur de l’univers, pour le remercier d’un bienfait si précieux.

Je dois vous parler le langage de la vérité. Cette constitution assure à chaque individu la jouissance de ses droits ; elle exige de chaque citoyen la pratique des vertus, comme elle appelle aussi dans nos climats le règne des bonnes mœurs et de la religion divine de Jésus-Christ. Ainsi donc, magistrats, servez d’exemple au peuple dont vous devez, être toujours les pères et les défenseurs. Que la probité comme la droiture dirigent vos actions et dictent vos sentences ; vous vous attirerez l’estime de vos concitoyens ; c’est la plus douce consolation qu’un homme en place puisse désirer.

Braves militaires, généraux, officiers, sous-officiers et soldats, observez la discipline et la subordination activez la culture, obéissez à vos chefs, défendez et soutenez la constitution, contre les ennemis intérieurs et extérieurs qui chercheraient à l’attaquer. Que votre devise soit sans cesse la bravoure, et votre guide l’honneur ; vous mériterez bien de la patrie.

Cultivateurs, fuyez l’oisiveté ; elle est la mère des vices ; gardez-vous principalement de vous laisser séduire par des hommes aussi malintentionnés que malveillans. Vous trouverez dans tous les temps, en moi, comme dans les généraux, mes représentansles répresseurs de l’injustice et des abus.

Habitans industrieux des villes, soyez soumis aux lois ; elles ne cesseront d’être votre protection et votre égide.

Peuple, magistrats et militaires, je vous expose vos devoirs et les miens. Pour moi, je promets, à la face du ciel, de faire ce qui dépendra de moi, si Dieu me le permet, pour conserver l’union, la paix et la tranquillité publique, en conséquence le bonheur de mes concitoyens. Je promets d’exécuter ce qui m’est prescrit par la constitution coloniale. Jurez également, devant l’Être suprême et entre mes mains, que vous vous soumettez à ces lois qui doivent faire votre bonheur, et consolider votre liberté.

Je vous préviens que la loi est la boussole de tous les citoyens quelconques : quand elle parle, ils doivent tous fléchir devant elle. Les autorités civiles et militaires doivent être les premières à lui céder et à donner par-là l’exemple au peuple. Suivez de point en point la constitution que l’assemblée centrale et législative de Saint-Domingue vient de consacrer ; que les principes qu’elle proclame restent éternellement gravés dans vos cœurs.

Dans tous les temps, mes chers concitoyens et amis, mon désir, mes vœux et mon ambition consistèrent à trouver et à préparer les moyens de vous rendre libres et heureux. Si je puis atteindre un but si cher à mon cœur, je ne regretterai point la vie, et j’irai, sans aucun remords, rendre compte de mes actions au Dieu Tout-Puissant et souverain auteur de toutes choses.

Vivent à jamais la République française et la constitution coloniale !


Nota : Ce discours du général eut lieu sur la place d'armes du Cap.

Source : Études sur l'histoire d'Haiti (Beaubrun Ardouin)


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