Lettre du général Simón Bolívar racontant à l'amiral Luis Brión sa première rencontre avec le président d'Haïti, le général Alexandre Pétion
Port-au-Prince, 2 janvier 1816.
S. D. Luis Brión.
Mon cher ami :
Je suis enfin arrivé ici avant-hier soir ; hier était un jour férié et je n'ai pas pu voir Monsieur le Président. À l'instant, je viens de lui faire une visite qui m'a été aussi agréable que tu peux l'imaginer. Le président m'a paru, comme à tous, très bon. Sa physionomie annonce son caractère, et elle est aussi bienveillante que d'habitude. J'attends beaucoup de son amour de la liberté et de la justice. Je n'ai pu encore lui parler qu'en termes généraux. Dès qu'il me sera possible d'entrer en matière, je le ferai avec toute la réserve et la modération qu'exige notre malheureuse situation. Je vous rendrai compte de tout avec la franchise que je lui dois et que j'ai offerte.
J'écris en ce moment à mes amis pour leur dire à peu près la même chose qu'à vous sur notre affaire commune, et s'il arrive quelque chose d'important, je vous enverrai une lettre de ma part. En attendant, j'espère que vous ferez de même avec moi ; et je vous prie en passant d'essayer de réunir nos esprits pour que nous puissions mener à bien quelque entreprise utile sur la Terre Ferme.
J'ai déjà parlé pour que la goélette qui doit être la vôtre se rende au port où sont nos émigrants, d'après ce que vous m'avez dit.
Il règne ici une grande tranquillité ; tout montre un grand chagrin de la perte de Carthagène, bien qu'on espère toujours voir notre commerce rétabli. On parle beaucoup d'une guerre des États-Unis avec l'Espagne, et cela doit nous être extrêmement favorable à tous égards.
Je suppose que l'émigration y sera déjà apparue et sans doute dans un état bien pitoyable. Patience et essayons de remédier radicalement au mal. Formons à tout prix une patrie et tout le reste sera tolérable.
Adieu, mon cher ami. Je vous prie d'agréer l'expression de mes sentiments distingués et de mon amitié affectueuse.
SIMÓN BOLÍVAR.
Puerto Príncipe, Enero 2, 1816.
S. D. Luis Brión.
Mi querido amigo:
Al fin llegué aquí antes de ayer por la noche; ayer fue un día de fiesta y no pude ver al Sr. Presidente; En este momento acabo de hacerle una visita que me ha sido tan agradable cuanto V. puede imaginar. El Presidente me ha parecido, como a todos, muy bien. Su fisonomía anuncia su carácter y éste es tan benévolo, como conocido. Yo espero mucho de su amor por la libertad y la justicia. Aún no he podido hablar con él sino en términos generales. Luego que me sea posible entrar en materia lo haré con toda la reserva y moderación que exige nuestra desgraciada situación. De todo daré a V. parte con la franqueza que debo y he ofrecido.
A los amigos escribo con esta fecha, diciéndoles poco más o menos lo mismo que a V. sobre nuestro asunto común, y si ocurriere alguna cosa de importancia le despacharé a V. un propio. Entre tanto, yo espero que V. haga lo mismo conmigo; suplicándole de paso procure reunir los espíritus para que podamos efectuar alguna empresa útil sobre la Costa Firme.
Ya he hablado para que vaya la goleta que debe ser de V. al puerto donde están nuestros emigrados, según lo que V. me dijo.
Aquí reina una gran tranquilidad; todo manifiesta un sumo dolor por la pérdida de Cartagena, aunque conservan la esperanza de ver restablecer nuestros negocios. Se habla mucho de una guerra de los Estados Unidos con la España y esto debe sernos extremamente favorable por todos respectos.
Supongo que ya la emigración habrá parecido ahí y sin duda en un estado bien lamentable. Paciencia y procuremos remediar radicalmente el mal. Formémonos una patria a toda costa y todo lo demás será tolerable.
Adiós, mi querido amigo. Reciba V. nuestra estimable amistad, con que soy de V. afmo.
SIMÓN BOLÍVAR.
Source : Archives du Libertador (Venezuela)
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