« Au nom de la Très-Sainte et Indivisible Trinité.
« Sa Sainteté le Souverain Pontife Grégoire XVI, et Jean-Pierre Boyer, Président de la République d’Haïti,
« Reconnaissant également la nécessité de pourvoir, d’une manière solide et définitive, à ce que réclame l’état actuel de l’Église dans l’île et République d’Haïti, pour le plus grand bien et avantage de la religion catholique qui est professée par la majorité des Haïtiens, ont nommé, pour parvenir à ce but ;
« Sa Sainteté, — le révérend Joseph Rosati, évêque de Saint-Louis, légat du Saint-Siège, muni de pleins pouvoirs ;
« Le Président d’Haïti, — le général Joseph Balthazar Inginac, secrétaire général ; les sénateurs Pierre André et B. Ardouin ; Seguy Villevaleix, chef des bureaux de la secrétairerie générale ; et Eugène Seguy Villevaleix, secrétaire particulier du Président d’Haïti, pareillement munis de pleins pouvoirs ;
« Lesquels, après l’échange de leurs pleins pouvoirs respectifs, ont arrêté la convention suivante :
« Art. 1er. La religion catholique, apostolique et romaine étant professée par la majorité des Haïtiens, continuera d’être spécialement protégée ainsi que ses ministres.
« Art. 2. Il ne sera établi, pour le présent, dans la République, qu’un seul diocèse dont le siège est fixé au Port-au-Prince. Si les besoins de la religion l’exigent, sur la demande qui en sera faite par le Président d’Haïti au Saint-Siège, il sera établi d’autres évêques dans la République, et il y sera érigé un archevêché.
« Art. 3. Le Président d’Haïti nommera les archevêques et les évêques ; et si le Saint-Siège leur trouve les qualités requises par les saints canons, il leur donnera l’institution canonique.
« Dans le cas que le Saint-Siège ajournerait ou refuserait l’institution canonique dont il est parlé plus haut, il devra en informer le Président d’Haïti.
« Art. 4. Les archevêques, et les évêques, avant d’entrer en fonctions, prêteront directement entre les mains du Président d’Haïti, le serment suivant :
« Je jure et promets à Dieu, sur les saints évangiles, de garder obéissance et fidélité au gouvernement établi par la constitution d’Haïti, et de ne rien entreprendre, ni directement ni indirectement, qui soit contraire aux droits et aux intérêts de la République. »
« Art. 5. L’archevêque et les évêques d’Haïti recevront un traitement annuel du trésor public.
« Art. 6. Les évêques nommeront leurs grands vicaires, dont le choix ne pourra porter que sur des personnes agréées par le Président d’Haïti.
« Dans le cas de décès ou de démission de l’évêque diocésain, celui des vicaires généraux qu’il aura désigné et déclaré premier grand vicaire ; ou, à défaut de cette désignation, le plus ancien d’entre eux dans l’office de grand vicaire, administrera en chef le diocèse ; les autres, s’il y en a, exerceront sous lui leur charge, pendant la vacance du siège épiscopal, et ce, en vertu des pouvoirs extraordinaires accordés, à cet effet, par le présent concordat.
« Art. 7. Les évêques ne pourront apporter aucun changement à la circonscription actuelle des paroisses, ni en ériger de nouvelles que de concert avec le Président d’Haïti.
« Art. 8. Aucune institution ni fondation pieuse ne pourront être établies sans l’autorisation du Président d’Haïti.
« Art. 9. Les évêques nommeront les curés et les vicaires des paroisses, ainsi que les supérieurs, directeurs et professeurs des petits et grands séminaires, dont le Président d’Haïti aura autorisé l’établissement.
« Ils examineront les lettres de prêtrise ; les démissoriales, les exéats et autres lettres testimoniales des ecclésiastiques étrangers qui se présenteront pour exercer, dans la République, le saint ministère ; mais leur choix, tant pour les curés et les vicaires des paroisses, que pour les supérieurs, directeurs et professeurs, ne pourra se fixer que sur des personnes agréées par le Président d’Haïti.
« Art. 10. Les vicaires généraux, les curés et les vicaires des paroisses, avant d’entrer en fonctions, prêteront, entre les mains de l’autorité civile désignée par le Président d’Haïti, le même serment que les évêques.
« Art. 11. Il ne sera porté aucune entrave à la libre correspondance, des ministres du culte catholique, en Haïti, avec le Saint-Siège, sur les matières de religion.
« Art 12. La formule suivante de prière sera récitée ou chantée à la fin de l’office divin, dans toutes les églises catholiques d’Haïti : Domine salvam, fac Rempublicam, cum Preside nostro N… et exaudi nos in die quâ invocaverimus te.
« Art. 13. Dans le cas que l’un des successeurs du Président actuel de la République d’Haïti ne professerait pas la religion catholique, le présent concordat sera modifié par une nouvelle convention, par rapport aux droite mentionnés dans les articles précédens, et qui ne pourraient être exercés par des personnes non catholiques.
« Art. 14. Les fonds curiaux ne seront employés qu’à l’entretien du culte catholique et de ses ministres, ainsi qu’aux frais et dépenses des séminaires et autres établissemens pieux autorisés par le Président d’Haïti.
« L’administration de ces fonds sera confiée, dans chaque paroisse, sous la haute surveillance de chaque évêque, au curé concurremment avec le directeur du conseil de notables, lesquels choisiront un caissier parmi les citoyens du lieu.
« Art. 15. Il est déclaré de la part du Président d’Haïti, et il est bien entendu, de la part du Saint-Siège, que l’exécution des stipulations du présent concordât ne pourra être entravée par aucune interprétation contraire résultant des lois actuelles d’Haïti.
« Art. 16. Le présent Concordat sera ratifié de part et d’autre, et l’échange des ratifications devra avoir lieu dans le délai de… ou plus tôt si faire se peut. »
Nota : Le projet de Concordat avec l'Église de Rome n'a finalement pas été adoptée malgré un accueil favorable du texte par le président Boyer.
Source : Études sur l'histoire d'Haïti (Beaubrun Ardouin)