Conte : le jardin d'ignames et le cochon de Bouqui



Madame Bouqui avait une magnifique plantation d'ignames qui faisait grande envie à Compère Malice. Elle avait aussi un porc magnifique. Malice décida de s'emparer du porc et de la récolte. Il alla trouver Bouqui.

"Noncque, je viens d'examiner  vos plants d'ignames, ils sont très beaux  réellement , mais quand je pense à ceux de mon grand-père, je ne puis rien d'admirer".
- Et comment étaient ceux de ton grand-père?
- Ils étaient tellement gros que les ignames que nous avons fouillées étaient plus longues que vous.
- Une igname plus groche que moi ! Mayiche tu veux rire.
- Aussi vrai que je m'appelle Malice. Ce n'est pas étonnant avec le fumier qu'il leur donnait!
- Plus groche que moi ! Ch'était du fumier de vache?
- Non, il engraissait un porc et quand la bête  était à point, il la découpait et enterrait chaque morceau, sans en excepter aucun, bien enveloppé dans des feuilles de banane, au-dessus de chaque plant.
- Et tu dis que les ignames étaient plus groches que moi?
Oui, Noncque, plus grosses que vous !"

Toute la journée, Bouqui fut préoccupé. Au coucher du soleil, il entraina le porc jusqu'au près de la source pour lui donner à boire. Là, il le tua et puis le dépeça. Ensuite, il suivit les conseils de Malice et enterra tous les morceaux dans son jardin d'ignames.

Pendant la nuit, Malice vint fouiller les ignames et la viande de sorte que le lendemain, Madame Bouqui s'aperçut à la fois de  la disparition de son cochon et du vol des ignames. Bouqui accusa Malice et lança contre lui les plus terribles imprécations.

De son coté Malice  inquiet du résultat de son larcin envoya l'un de ses petits filleuls jouer chez les Bouqui afin de savoir ce que disaient ceux-ci. Il revint très vite, effrayé de menaces qu'il avait entendues et annonça à Malice une visite très prochaine de l'oncle. "N'aie pas peur, Noncque Bouqui plaisante, il ne me fera rien de rien".

Malice se coucha, et puis fit mettre à portée de sa main un œuf pourri. Dès que Bouqui parut, il fut incommodé par l'odeur de l'œuf que Malice avait mis dans sa bouche.

"Mayiche, voleur, assassin! Che souis venu pour te demander compte de toutes mes ignames et de mon petit cochon. tu n'as pas de coeur de ainsi ton Noncque. Mais qu'est-che que ch'est que cette odeur? Qu'est-che qui t'arrive?
-Ah! Noncque, je suis bien malade. Depuis que j'ai goûté à ce maudit cochon et à vos ignames je suis couché. Mes intestins sont en pourriture. Och, och!"
Il cracha l'oeuf pourri et l'odeur augmenta  d'intensité.
"Mayiche, mon enfant est-che que cha s'attrape?
- Je ne sais pas. Aie, aie, je meurs!"

Et il se tordait dans le lit. Bouqui se retira doucement  et resta persuadé que Dieu lui-même s'était chargé de punir Malice de son vol en lui envoyant la plus terrible des maladies.

Source : Suzanne Comhaire-Sylvain, Le roman de Bouqui, Les éditions Leméac Inc., Québec, 1973.

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