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Monument des Héros de l'Indépendance aux Gonaives


Une conversation avec Eduardo Grüner par Lautaro Rivara

Comment peut-on commencer à parler d'Haïti sans commencer par la Révolution de 1804 ? Afin de nous plonger dans l'histoire fascinante du pays, nous avons eu l'occasion d'avoir une conversation agréable et prolongée avec Eduardo Grüner, spécialiste et passionné par le sujet. Grüner est un intellectuel prolifique dont l'œuvre couvre une énorme variété de sujets et de genres. Sociologue, essayiste, critique culturel. Docteur en sciences sociales et vice-doyen de la faculté des sciences sociales de l'université de Buenos Aires. Professeur d'anthropologie de l'art à la Faculté de philosophie et des arts et de théorie politique à la Faculté des sciences sociales, également dans la même université. Il est l'auteur, entre autres, des livres : Un género culpable (1995), Las formas de la espada (1997), El sitio de la mirada (2000), El fin de las pequeñas historias (2002), La cosa política (2005). Et aussi, bien sûr, de "La oscuridad y las luces" (2010), un livre classique et incontournable sur le sujet qui nous réunit.

Lautaro Rivara : La rencontre avec Haïti, que ce soit par le biais de l'essai, de la réflexion historique ou même de votre propre expérience, semble quelque peu exceptionnelle, toujours inattendue. Comment est née votre approche intellectuelle et - pour ainsi ainsi dire - empathique d'Haïti et de l'histoire de notre révolution première ?

Eduardo Grüner : J'avais une connaissance très vague, très générale de la Révolution haïtienne, et de certains aspects de la culture nationale, surtout à travers la littérature ou les études anthropologiques, mais la vérité est que jusqu'en 2004, je n'avais jamais vraiment commencé à réfléchir sérieusement à la question. À cette époque, j'étais vice-doyen de la faculté des sciences sociales [de l'université de Buenos Aires] et j'ai été envoyé à un grand congrès sur l'éducation à La Havane. J'y ai découvert une série d'activités en rapport avec le bicentenaire de l'indépendance d'Haïti et un numéro spécial du magazine Casa de las Américas consacré à la révolution haïtienne. C'est à ce moment-là que je suis devenu vraiment vorace pour en apprendre davantage. J'ai commencé à travailler, à étudier, à lire sur le sujet, plus précisément sur la Révolution. La première activité que j'ai entreprise à la suite de cet approfondissement relatif a été un séminaire virtuel dans le cadre du CLACSO, à partir duquel j'ai formulé un projet de thèse de doctorat qui est devenu le livre "La oscuridad y las luces : capitalismo, cultura y revolución" (Buenos Aires, Edhasa : 2010).

Je n'ai que de la satisfaction intellectuelle avec ce sujet : avec Haïti en général et surtout avec le sujet de sa révolution. Croyez-le ou non, je n'ai jamais mis les pieds dans ce merveilleux pays. À deux reprises, j'étais sur le point de participer à des congrès et à des activités, mais une fois, il y a eu le tremblement de terre, et l'autre fois, un énorme bouleversement politique.

L.R. : Comme vous le savez, de nombreux mythes entourent tout ce qui concerne le pays, dont beaucoup sont spécifiquement historiques et historiographiques. En ce sens, quelles étaient les idées dominantes dans votre milieu d'origine et votre milieu intellectuel sur Haïti avant que vous ne commenciez cette étude systématique de la Révolution ?

E.G. : La vérité est qu'il n'y avait pas beaucoup d'idées dominantes. Vous savez très bien - et c'est une des choses qui m'ont poussé à entreprendre ce travail - que l'on parle très peu d'Haïti, que l'on sait très peu de choses, et que cela n'est pas dû à une simple ignorance ou à un désintérêt, mais qu'il y a tout un dispositif, un échafaudage idéologique derrière la dissimulation, le déni ou l'oubli - tout cela entre guillemets - d'Haïti, de son histoire et de sa révolution. Mon intérêt intellectuel est lié à l'exploration de ce que j'appelle métaphoriquement "le côté obscur de la modernité". Dans le cas d'Haïti, cette métaphore est tout à fait littérale.

Le premier document de recherche que j'ai proposé avait trait à Haïti et à la situation dans le pays. Ceci, avec toutes les "mauvaises intentions" d'explorer efficacement la révolution haïtienne, peu connue et négligée, un événement d'une singularité absolue, dans plusieurs sens.

Dès 2004, on commençait à parler des célébrations du bicentenaire de l'indépendance à l'horizon 2010. C'est alors que je me suis rendu compte de la formidable "renégation" - comme dirait un psychanalyste - qu'il y avait à attendre 2010, comme si les premières révolutions d'indépendance avaient eu lieu en 1810, en sautant la toute première d'entre elles.

Mais la Révolution haïtienne n'était pas seulement singulière en termes chronologiques ou historiques, elle était la plus radicale, la plus profonde, la plus subversive, parce que c'était la seule révolution, au sens le plus complet du terme, où la classe sociale et l'ethnie exploitée par excellence - les esclaves noirs d'origine africaine - ont pris le pouvoir et ont fondé une nation sur ces bases.

La "renégation" de la révolution haïtienne est très symptomatique dans ce sens, car elle implique d'obscurcir, de soustraire à la vue la nature radicale d'une révolution authentique, qui est très difficile à décrire. On ne peut pas dire qu'il s'agissait d'une révolution socialiste comme celle de la Russie en 1917, ni d'une révolution exclusivement bourgeoise comme la révolution française de 1789. C'était une révolution indépendantiste, bien qu'elle n'ait pas commencé avec cette intention, mais elle a pris ce caractère au cours du processus. C'était une révolution anti-esclavagiste. Et c'était aussi une révolution culturelle au sens le plus strict du terme. Il m'a semblé alors que cette énorme singularité avait beaucoup à dire sur la façon dont la modernité et son idéologie avaient été construites. Parce que cette idéologie, clairement eurocentrique, a été construite sur la base de la modernité, une invention occidentale, qui a ensuite été exportée vers ce qu'on appelait autrefois le tiers-monde, vers la soi-disant périphérie du système mondial. Mon hypothèse, la thèse centrale de mon travail, est que la modernité est en fait une "coproduction" entre l'Europe et ses colonies, certainement en des termes loin d'être symétriques. Une "coproduction" dans laquelle une partie a mené la barque, mais qui n'aurait pas pu devenir la puissance hégémonique qu'elle était sans ce que la main-d'œuvre esclave des Caraïbes lui a apporté dans ce cas. Ce qu'on appelle aujourd'hui, par euphémisme, la "gobalisation", un fait qui n'a rien de nouveau pour nous, puisqu'il a commencé en octobre 1492.

L.R : Vous donnez des indices très clairs sur la raison pour laquelle Haïti a été en quelque sorte délogé de l'imaginaire occidental. D'autres auteurs ont également donné un aperçu du caractère traumatisant de la révolution haïtienne pour l'Occident. Il y a même ceux, comme l'historien Michel-Rolph Trouillot, qui la décrivent comme un "événement impensable" dans les termes de son époque. Mais vous étendez maintenant votre préoccupation à la question de savoir pourquoi le pays a également été écarté de la mémoire des propres forces progressistes, de gauche et intégrationnistes de la région, alors que ce sont ces dernières qui ont célébré avec le plus d'enthousiasme leurs bicentenaires respectifs.

E.G. : Je pense qu'il faut l'attribuer à des facteurs idéologiques profondément ancrés en chacun de nous. Il est vrai, comme vous le dites, que c'est certainement beaucoup moins le cas pour les autres révolutions d'indépendance, dont nous sommes généralement très conscients. Ensuite, bien sûr, il y a tous les débats sur ces soi-disant révolutions : dans quelle mesure l'étaient-elles ou simplement des changements d'élites ou de castes dirigeantes ? C'est la différence radicale avec le cas haïtien, comme nous l'avons dit. Il ne s'agit pas seulement d'un changement des élites, mais d'un changement de la classe sociale qui prend le pouvoir. Cela peut servir à formuler une hypothèse par rapport à votre question, car en 2010, ce que mon ami Nicolás Casullo appelait " l'imaginaire de la révolution " était depuis longtemps abandonné, même dans la pensée progressiste, à l'exception de certains secteurs plus radicalisés et minoritaires de la gauche. D'une certaine manière, la perte de cet horizon devient rétroactive, projetée en arrière. Il est vrai que les révolutions d'indépendance se sont généralisées après 1810. Ainsi, dans ce contexte mental - pour ainsi dire - cet événement unique et "prématuré" a été semi-oublié ou pas du tout pris en compte.

L.R. : En relisant les conclusions de votre livre, et en pensant à Haïti à travers le tamis du roman d'Andrés Rivera "La revolución es un sueño eterno", je me suis souvenu de cette phrase que Rivera met dans l'interminable soliloque de Castelli, quand il dit : "si nous sommes vaincus, qu'importe ce qu'on dit de nous ?" Je sais que vous avez pris part à ce débat historique, qui est aussi évidemment politique, sur la question de savoir si la révolution haïtienne était une "révolution vaincue" ou une "révolution ratée", et si elle a impliqué et laissé une sorte d'héritage durable. Ceci en réponse à certaines approches, à mon avis terriblement cyniques, qui finissent par certifier la "parfaite futilité" de la révolution haïtienne, et par extension de toute autre, encore plus après la chute du mur de Berlin. Quelle est votre évaluation, en ces termes, du processus historique haïtien ?

E.G. : C'est toute la question de ce qu'on a appelé "l'échec" de la révolution. Nous devons essayer de comprendre ce que cela signifie. Si je parle d'"échec", c'est différent de si je parle de "défaite", de "trahison", ou de toute autre épithète pouvant être utilisée pour décrire ces événements. Pour plaisanter, je dis toujours que lorsque les gens me parlent d'échec, je me souviens de deux phrases, provenant par coïncidence de deux grands intellectuels américains. L'un d'eux est de William Faulkner, lauréat du prix Nobel de littérature, qui, dans une célèbre interview, a déclaré à un journaliste : "Ne pensez pas qu'il est si facile d'échouer. J'ai eu du mal au début, puis je suis devenu de plus en plus doué". Et l'autre est d'Orson Welles, qui a dit : "J'ai commencé au sommet et j'ai dû travailler dur pour arriver en bas". Ces phrases m'intéressent car elles mettent l'accent sur le processus, l'effort, et non, de manière fétichiste, sur le résultat "final".

Maintenant, quand on parle de legs, il me semble que l'accent devrait être mis là. Sur cet événement "impensable" - vous avez cité Trouillot - sur ce traumatisme énorme, inimaginable à l'époque : sur le fait que quelques esclaves africains dépenaillés et armés de machettes ont vaincu l'armée internationale de Napoléon Bonaparte, incapable de réprimer la Révolution. Pourtant, l'impensable s'est produit. Et cela signifie que cela peut se reproduire. Et que peut-être, la prochaine fois, cela "échouera mieux". Ou ne pas échouer et en fait "réussir". Dire qu'une révolution a échoué ou a été vaincue ne devrait pas immédiatement impliquer que les raisons pour lesquelles cette révolution a été faite étaient mauvaises ou ont disparu. On pourrait plutôt penser l'inverse : que, précisément parce que cette Révolution a échoué ou a été vaincue, les raisons qui l'ont générée sont plus valables que jamais, considérant que ni l'exploitation de classe, ni l'exploitation de genre, ni la faim, ni les guerres n'ont disparu.

Donc, oui, cette révolution particulière a échoué, mais pas parce qu'elle était destinée à échouer, mais parce que le "monde" a fait tout ce qu'il pouvait pour qu'elle se produise. Nous savons qu'après la conquête de l'indépendance, l'histoire politique d'Haïti a été assez désastreuse : la division entre différents pays avec différents gouvernements, puis le désastre économique, qui a beaucoup à voir avec le fait que les Français ont imposé, afin de rétablir les relations commerciales avec l'Occident, le paiement d'une "indemnité" qui a ruiné le pays et n'a été payée qu'au milieu du XXe siècle.

Il y avait sans doute aussi des raisons internes, des erreurs, toutes sortes de facteurs intrinsèques, mais il y avait surtout ce que j'appelle dans le livre, de manière un peu métaphysique, une gigantesque revanche du monde occidental sur cet événement impensable. Aujourd'hui, on a perdu la dimension de ce qu'Haïti a généré à ce moment historique, déclenchant une véritable vague de panique, de terreur paranoïaque dans le monde entier, mais surtout dans les puissances coloniales. Un événement qui avait un nombre énorme d'autres significations, notamment philosophiques, culturelles, littéraires et artistiques, qui ont également été largement niées, cachées, marginalisées et ignorées.

L.R : Je pense aussi à des héritages qui sont peut-être plus internes à la nation haïtienne, dans des processus qui sont plus difficiles à réfléchir et à analyser depuis l'extérieur du pays lui-même. Par exemple, le fait qu'il s'agisse du seul pays où la culture des esclaves, la langue des esclaves, la religion des esclaves et la forme d'organisation productive sont aujourd'hui celles de la nation haïtienne dans son ensemble : je fais référence au marronnage, au créole, au vaudou et au lakou paysan. Quand on analyse les contradictions et les apories de la situation coloniale en général, et des peuples afro-américains en particulier, j'ai le sentiment qu'Haïti a offert des réponses tenaces à toutes ces contradictions, et de manière très positive, au-delà de la défaite politique face à des corrélations de forces très défavorables. Il faudrait, par exemple, étudier le fameux article 14 de la constitution de Dessalines - dont nous avons parlé avant de commencer - où Haïti a proposé une manière sui generis de "résoudre" la question du racisme, comme aucun autre processus ne l'a fait jusqu'à présent. Parlons-en, si vous le voulez bien, un peu de cela.


E.G. : C'est une autre révolution gigantesque dans la Révolution, à additionner. Je n'ai pas non plus rencontré beaucoup d'analyses strictement constitutionnelles, de juristes ou d'historiens du droit, qui se soient concentrées sur cette Constitution [de 1805] dans laquelle figure l'article 14, qui comporte les deux lignes les plus spectaculaires et les plus "étranges", même si l'ensemble de la Constitution mérite d'être étudié.

Le célèbre article 14, qui a disparu dans les constitutions ultérieures, stipulait qu'"à compter de la promulgation de la présente Constitution, tous les citoyens haïtiens, quelle que soit la couleur de leur peau, seront appelés Nègres". Comme si cela ne suffisait pas, un article ultérieur a ajouté que les dispositions de l'article 14 seraient valables même pour les Allemands et les Polonais. Il y a une explication à cela : lorsqu'en 1802, Napoléon Bonaparte a envoyé une énorme armée pour réprimer la révolution haïtienne, il s'agissait d'une armée multinationale, qui comprenait un bataillon d'Allemands et de Polonais qui, lorsqu'ils sont arrivés et ont vu ce qui se passait là-bas, ont déserté et changé de camp. Une fois la Révolution triomphante, ils ont décidé de rester, car la guillotine ou quelque chose comme ça les attendait chez eux. La Constitution leur a donc accordé en contrepartie tous les droits de la citoyenneté, mais ils étaient désormais considérés comme des "Noirs".

Donc, à partir de 1805, également de l'autre côté de l'île, en République dominicaine, noir signifie haïtien. Malgré le fait qu'il y ait des Dominicains noirs, comme nous le savons bien. Cette universalisation de la couleur noire répond à sa négation antérieure. Dire "désormais, nous sommes tous noirs" était comme une gifle ironique aux prétentions de la Déclaration des droits universels de l'homme et du citoyen de la Révolution française, qui n'atteignaient pas les esclaves des colonies. En d'autres termes, cette universalité présumée de la déclaration avait une limite très particulière : à tel point qu'elle excluait même délibérément une couleur, le noir. Parce que la révolution haïtienne, en 1791, a éclaté essentiellement à cause de cela, parce que les nouvelles de cette déclaration ont commencé à arriver, et alors les esclaves ont dit "maintenant nous sommes libres", mais ce n'était pas comme ça. Il y avait un élément très matériel pour le nier, le travail des esclaves fournissant à la France un tiers de ses revenus. Puis vient cette gifle qui dit que nous, qui étions le "particulier" qui ne rentrait pas dans "l'universalité" de la déclaration, devenons maintenant l'universel en affirmant que "tous sont noirs".

Depuis la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle, lorsque la colonie est passée aux mains des Français - avant cela, elle faisait partie des colonies espagnoles - les Français, avec leur esprit cartésien, classificateur, si précis, avaient cru pouvoir identifier 126 nuances de noir différentes, du "nègre nègre nègre" aux mulâtres plus clairs, etc.

L.R : Je dirais même qu'il s'agit d'un héritage durable, car j'ose dire qu'en Haïti, le racisme tel que nous le connaissons - non pas qu'il n'y ait pas de formes endogènes de racisme, étant donné que les élites noires et surtout mulâtres l'ont historiquement pratiqué - est absolument incomparable à ce que nous connaissons dans nos pays. Pour une raison très simple : si l'on s'en tient à la définition classique du racisme - par des auteurs comme Oliver Cox ou Eric Williams - et qu'on le comprend comme une manière d'organiser et de discipliner la main-d'œuvre, la "ligne de couleur" n'organise pas ici l'univers du travail. Noirs sont les travailleurs, les masses appauvries, noirs sont l'oligarchie haïtienne et la classe politique, les bourgeois, les prolétaires, et ainsi de suite. Dans le langage populaire, ni le noir ni le blanc ne désignent une catégorie strictement raciale, mais plutôt une catégorie nationale : le noir est synonyme d'Haïtien et le blanc d'étranger. Et il est très difficile de sortir de notre cadre idéologique pour entrer dans cette réalité.

E.G. : C'est très intéressant, car cela continue à démontrer la singularité de la société, de l'histoire. Il s'agit également d'une question extrêmement complexe, qui a connu, pour autant que je sache, plusieurs rebondissements. Car d'une part, une autre des hypothèses du livre est que c'est là que naît la revendication du concept de négritude : la révolution serait le grand précédent sur lequel s'appuieraient plus tard Aimé Césaire et Fanon lui-même. Des penseurs révolutionnaires qui, dans la première moitié du 20e siècle, vont provoquer un scandale et une série de débats très forts en Europe - et spécifiquement en France - avec le concept de "négritude".

Mais aussi ce concept de négritude - démontrant que ces "couleurs" expriment des relations sociales et de pouvoir - a été utilisé par la dictature fasciste de [François] Duvalier, de manière totalement pervertie, par lui et son fils Jean-Claude. C'est là qu'apparaît la revendication de la négritude comme élément oppressif, contre une partie des noirs et contre les mulâtres qui avaient historiquement un statut social plus élevé. Donc, ce "populisme" d'extrême droite de Duvalier renverse artificiellement la situation.

Tout ce que déclenche la question de la négritude est extrêmement complexe et présente ce grand intérêt que vous dites : celui d'être la seule société, dans ce cas sur le continent américain, où l'on a tenté de traiter symboliquement [la question raciale] de manière aussi radicale.

L.R. : Je voudrais vous poser une question sur deux phénomènes que nous ne pouvons pas séparer de ce phénomène révolutionnaire ou de tout autre : la question du leadership et la question de la violence. Vous avez une image que j'ai trouvée très belle et significative, lorsque vous parlez de la violence comme d'un "symptôme déchiré" exprimé par les sujets coloniaux. Je voudrais aussi vous interroger sur une contradiction : le leadership canonisé est celui de Toussaint L'Ouverture, au moins depuis "Les Jacobins noirs" [de C.L.R. James]. Mais en Haïti, ce que nous voyons, c'est que les leaders canonisés par l'historiographie européenne ou même latino-caribéenne ne sont pas les principaux référents du peuple haïtien, Jean-Jacques Dessalines étant le "père" incontesté de la patrie haïtienne, et il y a même d'autres sujets qui suscitent une énorme sympathie, comme Capois-La-Mort. Mais pas autant que Toussaint.

E.G. : Je vous demande, pourquoi ?

L.R : Je pense que c'est parce que la phase la plus radicale du processus a été dirigée par Dessalines, qui est celui qui complète le programme historique de la Révolution. Je dirais qu'il y a une question de processus d'identification par rapport à ce que vous avez mentionné sur l'auto-organisation des masses. Toussaint exprimait encore quelque chose de similaire ou d'équivalent à ce que les élites indépendantistes blanches-créoles étaient pour les pays d'Amérique latine. Ceci est très présent dans l'identification empathique et je dirais même émotionnelle avec Dessalines. Je pense que l'identification de Toussaint comme un leader incontesté et en quelque sorte "acceptable" est très imprégnée par le travail de James. Et aussi par le fait de la violence, par cette relation qui a fait de Dessalines un personnage barbare, sanguinaire et violent. Je voulais donc vous demander quel est le rôle de la violence dans un processus présentant ces caractéristiques ? Si, comme vous l'avez dit, la révolution a été déplacée, la violence a-t-elle également été déplacée ?

E.G. : Je trouve ce que vous dites sur Toussaint et Dessalines très intéressant. En effet, le poids de l'interprétation de James a été très fort. C'est un livre extraordinaire, cela ne fait aucun doute, fondateur à bien des égards, mais j'aurai l'audace de relever, le côté symptomatique de cet eurocentrisme dont nous parlions, le titre même de l'ouvrage : " Les Jacobins noirs ". Inconsciemment, James essaie d'assimiler la Révolution haïtienne à la Révolution française, et d'assimiler Toussaint à Robespierre ou Saint-Just, comme s'ils étaient comparables. Je me rends compte maintenant que c'est bien Dessalines qui représente cet autre élément bien mieux que Toussaint. Concernant l'autre question : la révolution haïtienne a été un processus d'une énorme violence. Il existe une extraordinaire trilogie allusive, trois épais volumes d'un historien et romancier américain, qui, lorsqu'il s'agit de la description des batailles - sur lesquelles l'homme est très bien informé et documenté - devient presque insupportable à lire. Car les extrêmes de cruauté qui pouvaient être atteints des deux côtés dans cette guerre révolutionnaire étaient épouvantables, sans que je cherche à construire une théorie des "deux côtés". Pour dire les choses simplement : il y avait un côté qui avait raison et un autre qui avait tort : je ne fais donc pas de comparaison dans ce sens.

Mais c'était une révolution très violente. Peut-être, en termes proportionnels et comparatifs, la plus violente de toutes les révolutions modernes : ni la française, ni la russe, ni la cubaine - ni même la chinoise - n'ont pris cette proportion de vies et n'ont atteint les extrêmes de violence que la révolution haïtienne a fait. La révolution est un événement violent, ou l'a toujours été historiquement. C'est une chose à laquelle nous devons nous résigner, car il est très difficile pour une classe dirigeante de se résigner pacifiquement, simplement parce qu'on le lui demande ou parce que la majorité le souhaite, à perdre ses privilèges, ses biens et tout ce que le fait d'être à cette place signifie matériellement, politiquement et symboliquement. La violence révolutionnaire doit-elle donc être condamnée ? Eh bien, je ne pense pas que nous puissions parler en termes de condamnation. Au contraire, il faut le déplorer.

Je me souviens de quelque chose que [Jean-Paul] Sartre a dit à propos de la révolution algérienne, à savoir que l'un des pires crimes que l'on puisse attribuer aux Français est d'avoir forcé les Algériens à être aussi violents, comme Fanon semble le célébrer dans "Les damnés de la terre". Je dis "apparemment" parce qu'il ne s'agit pas d'une célébration : il parle de la tragédie de quelqu'un qui est obligé de tuer pour être libre. Ce n'est pas que lorsqu'on parle de la violence, on la célèbre, on l'encourage. Au contraire, vous vous lamentez qu'il y ait des gens qui doivent en arriver à de telles extrémités pour, comme le diraient les Français eux-mêmes, faire valoir leurs "droits naturels".

L.R. : J'aimerais vous poser une question de projection politique, parce que si nous entrons dans l'histoire et le passé, ce n'est pas dans l'intérêt des antiquaires. Dans votre livre, vous avez un excursus philosophique avec une série de conclusions, dans lequel vous établissez un dialogue critique avec les perspectives multiculturalistes, avec certaines approches post-coloniales clairement eurocentriques - vous faites une certaine démarcation au sein de ces courants - et avec ce que nous appellerions aujourd'hui génériquement la politique de la différence en général. La question est de savoir, à partir de cet excursus et de ce débat, si votre étude de la révolution haïtienne vous permet de tirer - pour ainsi dire - des leçons ou des enseignements pour réfléchir à des problèmes aussi variés que la race, la violence, le colonialisme ou l'identité.

E.G. : Tout d'abord, une précision que je trouve toujours nécessaire de faire, à savoir la distinction entre l'eurocentrisme et ce qui est eurocentrique. Sinon, il est trop tentant, et ce serait appauvrissant, de tomber dans une sorte de "latino-américano-centrisme" - ou "haïtiano-centrisme" dans le cas présent - qui ne serait rien d'autre que de se mettre au même endroit depuis le côté opposé, comme dans une relation spéculaire. Il me semble que le plus intéressant est de s'installer dans ce lieu de tension, de conflit souvent insoluble, entre la pensée européenne et la pensée latino-américaine, car on ne peut nier que nous venons aussi de là, que finalement 500 ans d'occupation coloniale ont aussi laissé des traces dans la culture.

Mais, d'autre part, il s'agirait de voir que cette culture européenne qui nous a tant influencés et imprégnés, tout comme ce que nous disions de la Modernité, s'est aussi largement construite sur la colonialité de la connaissance, comme dirait [Aníbal] Quijano. Nous avons mentionné les conséquences philosophiques et culturelles du processus, et il y a le travail de Susan Buck-Morss ["Hegel et Haïti"], où elle montre que la "Phénoménologie de l'esprit" de Hegel, et pas par hasard la soi-disant quatrième section sur la dialectique du maître et de l'esclave, est inspirée par la Révolution haïtienne, qui se déroulait au même moment où un Hegel très attentif écrivait.

Il y a là un va-et-vient et une tension qui montrent que ce que l'on appelle souvent le multiculturalisme, par exemple, et pire encore si on l'appelle ainsi pour le célébrer tel qu'il existe aujourd'hui - si tant est qu'il existe - passe souvent sous silence les rapports de force qui se cachent derrière la prétendue "hybridité", une expression qui, je dois l'avouer, m'agace vraiment. Je préfère ceux qui parlent de métissage, car implicitement au moins, ce mot a derrière lui la reconnaissance de la violence sexuelle et du viol. Parce que le métissage historique - en Haïti, c'est très clair - a été produit par le viol de femmes noires ou indigènes par des hommes blancs. Lorsqu'on parle de multiculturalisme et qu'on le célèbre, on peut célébrer la coexistence de différentes cultures, la diversité des langues, des religions, etc. Mais pour autant que l'on tienne compte en même temps de leur origine, de la manière dont ces "différences" sont apparues. Parce que la différence est une chose, l'inégalité en est une autre. Je suis, en termes théoriques, un questionneur militant de ces idées que, pour les étiqueter rapidement, je qualifierai de postmodernes, célébrant et exaltant toutes sortes de différences pour le bien de la différence elle-même. Je pense que la première étape consiste à identifier les relations de pouvoir, de domination, d'exploitation et d'exclusion qui se cachent derrière ces différences. Et je pense qu'il est nécessaire de rester dans l'esprit sain d'une dialectique négative, comme le dirait Theodor Adorno, un auteur eurocentrique dont la pensée est utile pour réfléchir à l'eurocentrisme. Cette tension, ce va-et-vient permanent dans le cadre de cette dialectique négative, me semble être la position à partir de laquelle on peut au moins essayer de ne pas perdre de vue toute la violence symbolique et matérielle dont nous avons parlé.

D'autre part, je crois que ce problème d'identité est quelque chose qui se définit à la volée, à chaque instant, si tant est qu'il puisse être défini. Cela ne signifie pas que dans certaines circonstances, comme dans une révolution anticoloniale ou antiraciste, on ne peut pas se concentrer sur cette identité, qui est largement "artificielle", dans ce que Gayatri Spivak a appelé "l'essentialisme stratégique". Mais vous savez que vous le faites dans un but précis, qui est de défendre votre place. Lorsque cela aura été reconnu, vous passerez à autre chose. C'est un moment nécessaire dans le processus. Mais c'est un processus, ce n'est pas une ontologie.

__________________
Entretien publié en espagnol sur http://alainet.org

« Haití, más allá de los mitos » numéro 553, août 2021.

Traduction : Julie Jaroszewski

Drapeau de la République d'Haïti

Aujourd'hui 1er Janvier 1822, an 19 de l'Indépendance

Nous, Jean Simon, Colonel, Commandant de la place du Grand-Goâve, accompagné des officiers civils et militaires, nous sommes transportés à 8 heures sur la place d'armes où les troupes de la garnison et la garde nationale étaient réunies. Le serment prescrit a été prêté : "Jurons à l'Univers entier, à la postérité, à nous-mêmes, de renoncer à jamais à la France, de combattre jusqu'au dernier soupir pour l'indépendance de notre pays et de mourir plutôt que de vivre sous sa domination". Les cris de vive la République! Vive la Constitution! Vive le président d'Haïti! ont été mille fois répétés.

        Fait et clos les jours, mois et an que dessus.

                Le colonel, commandant de la place

                                        JEAN SIMON


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Extraits du Journal vénézuélien, Iris de Venezuela, du 25 Mars 1822, rapportant la réunification de la partie espagnole de l’île à la République d'Haïti le 9 février 1822

HAÏTI : Par la gazette de Philadelphie (Aurore du 16 février) et par d’autres imprimés, nous savons que la partie espagnole d’Haïti s’est réunie à la République de ce nom, sous le président Boyer, qui, selon les lettres de Curaçao avait fait paisiblement son entrée dans la ville de Santo-Domingo. Malgré notre sympathie et notre reconnaissance pour cette prédilection des habitants de Santo-Domingo pour la Colombie*, nous ne pouvons nous empêcher d’avouer que le vrai intérêt de l’un et de l’autre peuple consiste dans la consolidation de cette masse de population, qui représente aujourd’hui à l’Univers une Puissance respectable et un ennemi de mauvais augure à l’unique ennemi de la Colombie et de l’Amérique, à l’obstinée Espagne.
 
*Colombie : À l'époque, la Colombie était une Fédération composée de l'actuelle Colombie, du Venezuela et de l'Équateur, dirigée par le Libertador sud-américain Simon Bolivar.
 
Source : Le Télégraphe, Gazette officielle de la République d'Haïti parue le 15 Septembre 1822


Port-au-Prince, le 7 août 1824.

Des sentiments d'humanité, liés à la prospérité future de la République, m'ont porté, mon cher général, à envoyer aux États-Unis d'Amérique, à la fin du mois de mai dernier, une mission afin de diriger, autant que possible, l'émigration en Haïti d'une portion de la population libre noire et jaune desdits États que la politique des blancs américains est décidée d'en faire sortir. C'est le citoyen Granville, substitut du commissaire du gouvernement près le tribunal de cassation, qui est chargé de cette mission. D'après les dépêches que j'ai reçues de lui, j'ai lieu d'espérer qu'il réussira dans l'entreprise qui lui est confiée, et que bientôt nous verrons arriver de nos frères d'Amérique qui viendront habiter notre territoire en se mettant sous la protection de nos lois, et en s'adonnant à la culture des terres.
 
D'après mes instructions que vous trouverez dans la brochure dont je vous envoie 12 exemplaires, vous verrez que trois cents de ces personnes doivent être dirigées dans les quartiers ou communes de Lamatte [Las Matas, ndlr], Hinche et Lascahobas, cette année. Je vous fais donc la présente pour vous recommander, aussitôt leur arrivée, de les faire diriger, dans une égale proportion, vers ces différents endroits, en les assortissant famille par famille, et, autant que faire se pourra, par douzaine de personnes, où ils seront placés sur les terrains qui appartiennent à l'État, et où ils pourront s'occuper à faire des établissements, et à cultiver le cafier pour leur propre compte, tel que ma circulaire du 24 décembre dernier l'a établi. Vous ne devez pas manquer de recommander à l'autorité du lieu d'avoir pour les nouveaux arrivants toute la bienveillance possible, en les aidant de ses conseils et en les assistant de tous les moyens en son pouvoir pour les encourager dans leurs établissements. On aura soin de leur indiquer comment ils doivent s'établir ; on leur procurera des plants, et on devra, en un mot, agir envers eux comme on serait bien aise soi-même d'être encouragé si on se trouvait dans leur position.
 
Ceux des arrivants qui seront placés, comme je l'ai indiqué, se- seront rationnés en nature pendant quatre mois, à compter du jour de leur placement ; à cet effet, des distributions de biscuit, riz, maïs, pois, pori) salé, et morue, leur seront faîtes tous les quinze jours par les magasins de l'État, sur les bons des commandants d'arrondissement, dont les doubles seront envoyés ; à la fin de chaque mois, à la Secrétairerie générale pour la vérification.
 
Comme il est présumable que les nouveaux arrivants seront accompagnés des dépêches de l'agent Granville et des conventions concernant certaines mesures, etc. qu'ils auront passées en Amérique, on devra se conformer auxdites conventions en tous points.
 
L'administration payera le passage des émigrants, et elle recevra des instructions à cet égard.

Vous ne devez pas manquer de me rendre compte de chaque arrivage des émigrants avec toutes les particularités que vous jugerez devoir m'intéresser, afin de recevoir mes nouvelles instructions à leur égard, s'il y avait lieu. Le but est d'aider à l'augmentation de la population du pays, tout en offrant un asile agréable et avantageux à des malheureux qui sont à la veille de se voir jeter sur les côtes d'Afrique.
 
J'espère que vous ferez tous vos efforts pour me seconder, afin de bien atteindre ce but.
 
Signé : BOYER

Statue de Jean-Jacques Dessalines au Champ-de-Mars, à Port-au-Prince

Ce 20 septembre 2021, marque le 263ième anniversaire de naissance de Jean-Jacques Dessalines. Celui qui a repris le flambeau de la lutte pour la Liberté et la Dignité de l’Être humain, comme général en chef de l’Armée indigène après la capture et la déportation du génie Toussaint Louverture par les Français. Cette date est pourtant inconnue de la grande majorité des Haïtiens puisque celle de sa mort a toujours été mise en avant, jamais le jour de sa venue au monde.

En parcourant, en ce jour, quelques textes anciens relatant les hauts-faits, la clairvoyance et la vision du grand Général, je me suis posé quelques questions. Il y en a une qui n'a cessé de revenir : Comment sommes-nous arrivés aussi bas après avoir connu le sommet de la Gloire et de la Dignité, passant du Grand Jean-Jacques Dessalines aux « dirigeants » de ces derniers temps? Je me suis évertué à répondre à cette interrogation pendant un bon moment. Je suis arrivé à la conclusion qu’il n’y a pas une seule cause, une raison unique, mais qu’il y en a une qui a la primauté.

Pour comprendre la situation de l’Haïti de nos jours, il faut remonter le temps, il faut revenir très loin en arrière, soit à la guerre de l’indépendance, cette guerre patriotique menée pour les droits inaliénables et imprescriptibles de la personne humaine. Ce n’était pas, du point de vue de nos ancêtres comme elle l’était pour les Napoléoniens, une guerre ethnique ou raciale. Haïti a été pendant longtemps le diadème de la couronne royale française, la plus prospère des colonies européennes. Les évènements du mois d’Août 1791 ont fait vaciller l’autorité coloniale française sur le territoire, les esclaves réclamant armes à la main leur Liberté. Ils ont fini par l’obtenir en 1793. Les convulsions sur l’île n’ont pas cessé en dépit de ce gain majeur. En 1802, Napoléon a décidé de rétablir l’esclavage dans la colonie, les anciens esclaves, sous la conduite de Toussaint Louverture refusent de retourner dans les chaînes. Toussaint Louverture est arrêté et déporté en France. Jean-Jacques Dessalines a pris la succession. Avec ses généraux, ses officiers et ses soldats déterminés à vaincre la tyrannie, il a battu à plate couture les Armées de Napoléon envoyées pour rétablir l’esclavage. L’indépendance est proclamée officiellement le 1er janvier 1804, réalisant la stupéfaction du siècle.

Dessalines, devenu Chef d’État de la jeune Nation est assassinée par un quarteron de généraux et d’officiers mus par leurs intérêts personnels et la volonté d’investir le sommet du pouvoir. Il faut voir là les prémices des problèmes de ce pays. Il s’ensuivit la division du pays en deux entités distinctes : Alexandre Pétion au Sud et Henry Christophe dans le Nord. Cet assassinat et cette incapacité à s’entendre pour des gens qui ont pourtant participé ensemble au magnicide de l’Empereur, ont créé le terrain propice à la pagaille généralisée et à la guerre civile.

Il faut attendre la présidence de Jean-Pierre Boyer pour voir apparaître une petite période de paix entre Haïtiens. Néanmoins, le même Boyer a accepté de payer une rançon à la France en 1825 en échange de la reconnaissance de l’indépendance. Cette rançon, une somme pharaonique qui représente aujourd’hui, selon l'économiste français Thomas Piketty environ 30 000 000 000 d’euros*, trop lourde pour la jeune Nation, a plongé durablement le pays dans l’endettement et les masses dans la misère. En outre, elle permet pour la première fois de notre histoire à une puissance étrangère de mettre son nez dans nos affaires. Nous avions dès lors, perdu une partie de notre indépendance acquise par le glaive et la baïonnette.  

La situation ne s’est pas améliorée pendant tout le 19ième et le 20ième siècle. Les guerres civiles continuent. L’endettement aussi. Les luttes pour le pouvoir également. La gabegie administrative et financière est bien présente. On prend le pouvoir quasi-exclusivement par des coups-d’état. Entre 1915 et 1934, les États-Unis ont occupé le pays, cela n’a pas changé grand-chose en dépit d’une certaine stabilité politique. A contrario, les États-Unis nous ont spolié (dès 1914), en accaparant le stock d’or de la banque nationale. Le seul résultat de cette occupation et qui a été l’un de leurs objectifs : entamer l’orgueil de ce petit peuple nègre arrogant des Caraïbes qui a osé défier les avalanches de la plus grande Armée du monde, celle de Napoléon.

Malgré le retrait américain en 1934, le pays reste soumis à une forme de tutelle de Washington. En effet, ils mettent au pouvoir leurs protégés, ont un droit de regard sur les décisions internes d’Haïti, soutiennent des dictateurs et des gouvernants autoritaires et corrompus comme François et Jean-Claude Duvalier. Ils « démettent » ou participent à la déchéance du pouvoir ceux qui veulent un changement réel dans le pays et qui ne se mettent pas à genoux devant eux.

Malgré l’importance de la participation étrangère dans la fabrique de cette épouvantable Haïti qui est devant nous à l'heure actuelle, la raquette dont le pays a été l’objet par la France et d’autres puissances, le rôle des Américains dans l’appui à des dictateurs et à l’instabilité politique, notre responsabilité en tant qu’Haïtien demeure immense. Elle trouve sa source dans la division, celle qui a commencé dès le 17 octobre 1806 et qui se poursuit avec une élite qui se coupe de la masse, « qui ne pense plus pays, mais qui pense « communauté de classe ». Elle est aussi dans la division entre mulâtres et haïtiens venus d’outre-océans et la masse nègre. Elle est dans la division entre la ville et la campagne et la marginalisation du paysan. Elle est dans la division entre ceux qui parlent français et la majorité qui parle créole, considérée comme analphabète, inculte, non civilisée. Elle est dans les luttes intestines pour le pouvoir entre des potentiels dirigeants qui sont souvent dénués de vision patriotique, de hauteur de vue, de carrure pour diriger le pays. Elle est dans les coups-d’état incessants qui sont autant de régressions pour nous. Elle est dans cette manie d’exclure systématiquement des personnes venant des entrailles de la masse, des sans noms, qui, à force de sacrifices, parviennent à se former qui, de par leur vécu, leur origine, sont à même de comprendre la situation des classes populaires et paysannes.

Cette division est aujourd’hui la cause majeure de nos malheurs, des calamités qui nous accablent. Plein de pays sont là pour nous rappeler la nécessité de nous unir pour adresser ensemble les problèmes, de mettre de côtés nos ambitions personnelles et nos dissensions pour dire ya basta !, ce peuple ne peut plus souffrir. Quoique n’étant pas adepte du président rwandais et de ses pratiques, je me demande souvent ce qui a pu permettre de changer la face du Rwanda, pays rongé par une guerre civile et un génocide. En moins de 20 ans, ce pays d’Afrique a pu renaître de ses cendres et compte aujourd’hui parmi les États les plus stables d’Afrique. Je me rends compte que les Rwandais se sont réconciliés après les épisodes douloureux de 1994. Il faut peut-être qu’on jette un coup-d’œil sur la trajectoire de la Corée du Sud, de la République Dominicaine ou encore du Costa-Rica ! Et je me rends également compte que ce dont nous avons besoin pour sortir de ce marasme, pour retirer cette honteuse étiquette de « pays le plus pauvre de l’Amérique » qui nous colle à la peau depuis plusieurs décennies, pour redonner à notre peuple la fierté perdue, pour éviter que notre Nation se vide de ses plus vaillants citoyens en quête d’une vie meilleure ailleurs où ils ne reçoivent, très souvent, que crachats et humiliations, pour empêcher tout simplement que notre pays se meurt, il faut mettre fin à la division, il faut revenir à cet esprit qui a présidé à la naissance de notre État. Il faut tout simplement mettre fin à la division pour reconstruire, « la plus glorieuse République du Nouveau-Monde », pour reprendre les mots de Joseph Anténor Firmin. Il faut tout simplement retrouver le chemin de l’Unité.

* Cette somme a été réévaluée par des économistes et des historiens travaillant pour le compte du New York Times

 

Louinel Estimable


 

 

 

Vèvè Papa Legba - Crédit : Wikipédia

Bulletin officiel de Saint-Domingue du 9 pluviôse (28 janvier 1797)

Extrait du registre des délibérations de la commission déléguée par le Gouvernement Français aux Isles sous le vent

La commission, informée que des rassemblements dangereux, connus sous le nom de Vaudou, continuent malgré les défenses qui avaient été faites par les autorités constituées ;

Considérant que cette danse semble avoir pour but de rappeler des idées dangereuses sous un gouvernement républicain ;

Considérant que des hommes perfides peuvent, sous prétexte d’un amusement innocent en apparence, abuser de la bonne foi des citoyens qui s’y livrent sans mauvaise intention ;

Considérant que la danse connue sous le nom de Vaudou est également contraire à la morale, aux institutions républicaines, à la décence et même à la santé des acteurs de ces scènes scandaleuses ; que des serments affreux, dont l’accomplissement peut compromettre la sureté publique, sont prêtés entre les mains de ceux qui président à ces orgies aussi effrayantes que ridicules, auxquelles des prostitutions succèdent toujours ; que ces infamies se passent sous les yeux des jeunes gens et même des enfants, qu’on a pas honte d’admettre à un spectacle aussi dégoutant que pernicieux pour leur éducation ;

La commission a arrêté et arrête ce qui suit :
Art. 1. Les rassemblements connus sous le nom de danse du Vaudou sont sévèrement défendus.
Art. 2. Tout citoyen qui sera surpris dans ces sortes de danses, sera arrêté et puni d’un mois de prison.
Art. 3. Les individus qui auront permis que leurs maisons servent à de semblables rassemblements, les chefs qui les présideront seront arrêtés, punis de trois mois de prison et de cent livres d’amende.
Art. 4. Les autorités civiles et militaires de la colonie sont chargées de tenir la main à l’exécution du présent arrêté, tant dans les villes que dans les campagnes.

Le présent arrêté sera imprimé, envoyé à toutes les autorités civiles et militaires, transcrit sur les registres des corps administratifs, affiché partout où besoin sera.
 
Fait au Cap, le 1er Frimaire, l’an cinquième de la République française une et indivisible.

Signé, au registre des procès-verbaux, Leblanc, président ; Sonthonax, Raimond, commissaires, Pascal, secrétaire général.

Source : Les Marrons de la Liberté de Jean Fouchard.
Jean-Jacques Dessalines, Fondateur de la Patrie


La Liberté ou la Mort

Gouvernement d’Haïti

Au quartier général du Port-au-Prince, le 14 janvier, première année de l’indépendance d’Haïti

Le gouverneur-général considérant qu’un grand nombre de nègres et de gens de couleur de cette île se trouve au continent d’Amérique [États-Unis, ndlr], dans une extrême misère, faute de moyens de revenir dans leur Patrie, décrète :

Art. 1er : Il sera alloué aux capitaines de navires américains, une prime de quarante dollars américains pour chacun des individus désignés ci-dessus, qu’ils pourront ramener dans leur Patrie.

Le présent décret sera imprimé, publié et affiché ; et copie en sera adressée au Congrès des États-Unis.

Le gouverneur général

Signé : DESSALINES

Armoiries de la République d'Haïti

LOI

Faustin SOULOUQUE, Président d'Haïti,

        de l'avis du Conseil des Secrétaires d'État, a proposé, et le Corps législatif, après avoir reconnu et déclaré l'urgence ;

        Considérant que Jean-Jacques Dessalines, en délivrant le pays de la domination étrangère, et en proclamant l'indépendance d'Haïti, a bien mérité de la patrie ;

        Considérant que les peuples s'honorent en honorant la mémoire des grands hommes qui ont acquis des droits à leur reconnaissance :

           Art. 1er. Le 2 janvier est institué et décrété fête de Jean-Jacques Dessalines, Empereur d'Haïti.

             Art. 2. Cette fête sera célébrée, chaque année, avec toute la pompe et la solennité usitées aux fêtes nationales.

         Art. 3. Il sera exécuté cinq portraits de l'Empereur Dessalines, tenant l'acte de l'indépendance nationale : l'un de ces portraits sera placé au Palais national, le second au Sénat de la République, le troisième à la Chambre des Représentants, le quatrième dans l'église de Dessalines, et le cinquième dans l'église des Gonaïves.

             Art. 4. Les Secrétaires d'Etat sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution de la présente loi.

             Donné à la Chambre des Représentants, au Port-au-Prince, le 6 décembre 1848, an 45e. de l'indépendance d'Haïti.

                    Le président de la Chambre,

                                Fçois. Jn-JOSEPH

                                        Les Secrétaires,

                               BLANCHARD, CASEAU fils

                Donné à la Maison nationale, au Port-au-Prince, le 12 décembre 1848, an 45e. de l'indépendance d'Haïti.

                    Le président du Sénat,

                            N. Pre.-LOUIS

                                Les Secrétaires,

                PHILIPPEAUX fils, P. F. TOUSSAINT

Mgr Louis Kébreau - Crédit : Haiti24

Tant de raisons nous rassemblent ce matin, à l’occasion de l’investiture du nouveau Président de la République d’Haïti.

– Nous voyons dans la présence des invités internationaux, la volonté d’affirmer et d’affiner une solidarité, aujourd’hui plus que jamais, indispensable entre tous les peuples de la terre.
– Tous les grands commis de l’Etat, ici présents, chaque Haïtien aux abords du Palais, devant la télé ou un poste de radio, manifestent à nos yeux la volonté ferme de tout un peuple qui veut aller de l’avant.

C’est pour soutenir toutes les raisons positives, tout à fait humaines et généreuses, que l’Eglise, dès la genèse de cette nation et à des évènements marquants de son histoire, accepte d’élever dans la prière et l’action de Grâce, par le rite solennel du Te Deum, les espérances et les projets de ce peuple.

L’Eglise, dans la ligne de la mission reçue du Christ, ne cessera jamais d’accompagner le peuple haïtien et d’aller à sa rencontre en quelques lieux où il se trouve. Aujourd’hui, unis à tous les prêtres, religieux et religieuses, présents dans les coins les plus reculés du pays, nous sommes ici pour dire encore qu’aucune porte ne doit être fermée au Christ et que sa parole doit parvenir, par les oreilles, au cœur de tous les hommes.

Cette parole nous invite, dans l’aujourd’hui de notre pays, à l’amour dans sa double dimension : l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Les idéologies politiques les plus saines, avec leurs programmes, passeront mais seul restera ce que l’amour a réalisé.

L’Eucharistie même que nous célébrons ce matin nous fait découvrir que la vie chrétienne comporte des passages, dans la ligne de Pâque qui est un passage des ténèbres à la lumière, du mensonge à la vérité, de la haine à l’amour. Le Christ, le samedi saint, est descendu aux enfers pour racheter tous ceux qui gisaient à l’ombre de la mort et pour les ramener à la vraie vie.

Cette descente aux enfers est nécessaire pour renaitre à l’amour et à la vérité. Le Pape Benoit XVI dans l’encyclique « Caritas in veritate », rappelle que : « L’amour dans la vérité est la force dynamique essentielle du vrai développement de chaque personne et de L’humanité entière ».

Plus loin, le Saint-Père clarifie encore mieux cette assertion : « L’amour est cette force extraordinaire qui pousse les personnes à s’engager avec courage et générosité dans le domaine de la justice et de la paix ; cette force qui a son origine en Dieu, Amour éternel et vérité absolue. Chacun trouve son bien en adhérant, pour le réaliser pleinement, au projet que Dieu a sur lui. En effet, il trouve dans ce projet sa propre vérité et c’est en adhérant à cette vérité qu’il devient libre ».

Vous avez bien compris tout cela, M. le Président, en suggérant vous-mêmes les textes bibliques soumis à notre méditation.

Qu’avons-nous fait de concret pour promouvoir la vérité et l’amour, la justice et la paix ? La passion de l’argent et du pouvoir a donné naissance à cette société faite encore d’exclusion et de discrimination ; société en pleine crise sociale, économique et politique. Tout notre système se retrouve ébranlé dans ses racines les plus profondes. Voilà pourquoi la crise n’est pas seulement conjoncturelle, elle est aussi structurelle, gisant dans les fondements de la société, minant sa logique, si ce n’est son ethos même : la haine s’est installée, le mensonge est instrumentalisé, la cupidité et la corruption grimacent ; l’on vit dans la crainte, dans la peur, dans l’angoisse. Tout ce qui constituait notre patrimoine historique, culturel et religieux semble volé en éclats et perdu irrémédiablement.

Dans la foulée, l’Etat voit son autorité affaiblie, car il récompense l’appartenance et non la compétence; la compétence n’est pas orientée au service du bien commun ; le bien commun devient la recherche des intérêts personnels et non ceux de la patrie ; et l’amour de la Patrie, un vain mot. Que dire donc devant ces faits criants : Véritable descente aux Enfers ? Devant une telle dégradation : s’accuser réciproquement ou battre chacun sa coulpe ?

Mais en même temps, il nous faut paisiblement nous interroger sur l’influence réelle de la présence de l’aide externe ou extérieure dans nos affaires et sur nos affaires ; bienfaits et méfaits sont à peser et soupeser froidement, car souvent, dans le cadre de ce qu’on appelle de nos jours le devoir d’ingérence, Haïti risque de devenir un produit mis aux enchères.

Je crois, Monsieur le Président, que l’heure est venue de nous réapproprier notre destin hypothéqué, la souveraineté nationale mise à mal, notre identité noyée dans des cultures qui nous déracinent des valeurs qui, dans le passé, favorisait la liberté et la prospérité de la nation. Ce sont ces mêmes valeurs qui nous gardent toujours debout malgré les vicissitudes de notre histoire : la foi en Dieu, l’espérance en un lendemain qui finira par être meilleur, et une charité dont la misère ne saurait entraver le chemin.

Mais, l’heure est venue de faire place aussi à la raison pour établir des critères de discernement et rechercher les voies et moyens qui nous permettent de sortir d’une totale dépendance politique et socioéconomique. L’heure est venue de construire nos propres capacités pour susciter et faciliter un nouveau leadership, pour affronter les défis des temps présent et futur.

L’heure est venue pour une vraie renaissance de l’haïtien et de l’haïtienne en vue d’une nouvelle Haïti ou mieux d’une Haïti renouvelée. Il est de toute urgence que l’Etat s’engage à construire un nouveau protagonisme haïtien sur la scène nationale et internationale.

L’heure est venue d’enclencher un véritable dialogue national : pour bâtir un plan national de développement durable, pour réconcilier la nation avec elle-même, pour établir un code d’éthique politique et un pacte de gouvernabilité du pays, pour définir le profil du nouveau type d’haïtien, d’haïtienne et le profil de la nouvelle société recherchée. Et conclure ainsi ce que l’on peut bien nommer un Pacte social aux contours et aux aspirations marqués au coin du respect mutuel, de la transparence, de la solidarité, de la justice. Vous direz alors, votre volonté d’être à l’écoute de chaque Haïtien, et spécialement, puisqu’il s’agit d’écouter, de ceux qui n’ont jamais eu la voix au chapitre ou qui n’ont plus de voix. C’est seulement après les avoir bien écoutés, qu’il faudra parler en leur nom. Et là, il ne faudra pas avant tout leur dire ce qu’ils veulent entendre, mais ce qui doit être dit. Vous avez envers ce peuple, le devoir de la vérité, de l’honneur, du respect de la parole donnée.

Comprenez bien tout cela, Monsieur le Président, parce que votre investiture à la Magistrature suprême de l’Etat est un signe, un symbole exprimant le désir de tous ceux qui ont placé en vous leur confiance et, en général, de tous les haïtiens, haïtiennes indistinctement, dont vous êtes le président. Ils ont besoin vraiment de respirer un air de liberté et de sécurité indispensable à leur plein épanouissement.

Nous retrouvons ainsi, en votre personne, le désir profond de tout un peuple, de notre peuple, votre peuple, d’un changement radical, mais authentique dans la gouvernance de ce pays ; un pays où nous ne cessons de rappeler que chaque haïtien doit avoir sa place. Chaque membre de cette nation a une pierre à apporter à sa reconstruction physique, économique, sociopolitique, culturelle et religieuse qu’il faut accueillir et déposer à sa juste place.

L’Evangile de Matthieu (Mt 20, 17-28) que vous avez écouté soulève une question exigeante. C’est celle que Jésus pose aux deux fils de Zébédée, Jacques et Jean: « Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire » ? Ils répondent : « oui » ! Mais ils n’ont aucune idée de ce dont il parle. Prenez pour vous-même aussi, M. le Président, cette même question. Je veux croire que votre réponse sera certainement positive avec, bien sûr aussi, des conséquences auxquelles vous ne vous attendrez pas.

Durant votre tournée du pays, vous avez constaté la coupe à laquelle s’abreuve ce peuple meurtri, humilié et bafoué : coupe remplie de souffrances physiques, morales et spirituelles ; coupe de la privation, de la solitude, de l’exclusion, de l’abandon et de l’angoisse. Une coupe remplie d’amertume. Comment transformer cette coupe de chagrin et de tristesse en espérance, joie et amour ? Le Christ qui a bu cette coupe jusqu’à la lie, avait la confiance pleine et entière de son Père qu’il appelait « Abba, Papi » ! Le cœur blessé d’amour, il s’est livré, s’est donné pour le salut de ce peuple. Puisqu’Il dit qu’« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».

Vouloir ce changement radical implique de votre part une option claire et nette de vous mettre au service de chaque haïtien, de chaque haïtienne, peu importe sa condition sociale, économique, politique et religieuse. Tout en étant attentif à tous ces niveaux d’intervention, il faut se rappeler la mise en garde du Pape Benoit XVI dans Caritas in Veritate (CIV), numéro 29: « Les pays économiquement développés exportent vers les pays pauvres …, une vision réductrice de la personne et de sa destinée. C’est le dommage que le surdéveloppement inflige au développement authentique quand il s’accompagne d’un sous-développement moral ». Prenez garde à ne pas vous laisser influencer par des idéologies qui ne favorisent pas l’intégration des valeurs, de nos valeurs culturelles et religieuses.

Monsieur le Président, la tâche est immense. Mais, je vous encourage à ne laisser rien, ni personne, vous faire perdre cet élan de confiance qui vous porte à la charge suprême de l’Etat, qui apporte l’espérance à un peuple par trop désabusé. Que ni rien ni personne ne vous fasse abandonner votre rêve de voir un jour ce pays se relever de ses souffrances.

Connaissez-vous aujourd’hui un Président ou un Chef de Gouvernement qui arrive au pouvoir sans avoir des défis à relever et des décisions importantes à prendre ? Le cas d’Haïti dévasté par les catastrophes, intempéries et épidémies, semble être particulier. Mais, je ne vous apprendrai rien en vous disant que c’est un peuple fort qui se met sous votre commande.

Ou te mèt wè pèp sa a pliye e li pliye ba anpil wi jodi a, men li pap kase, paske li pap dekouraje. Toujou sonje ou se Presidan tout Pèp sa a, san distenksyon. Sa ki fè fos peyi sa a, se tèt ansanm ; yon tèt ansanm kote tout ayisyen ap mete men ; yon tèt ansanm kote pa gen diferans ant rich ak pov, ant nwa, rouj, jonn ak blan. Sonje nan batistè peyi nou keksyon sa a, zansèt nou yo te reglel pandan yo te asume devan tout nasyon sou tè a : nou se yon sèl pèp, e pèp sa a se yon pèp nèg li ye. Fok nou toujou sonje sa pou nou ka vanse sou chimen tèt ansanm nan ; yon tèt ansanm kote ni tèt ki kale, ni tèt ki pa kale genyen menm dwa ak menm devwa.

A chak fwa yon presidan tou nef monte sou pouvwa nan peyi sa a, gen anpil kè ki toujou ap sote. Yo pè pou avni yo, pou pozisyon yo. Pinga okenn fonksyonè ki konpetan trakase yo, depi yo fè travay yo byen epi ak konsyans yo. Men pinga tou okenn moun ki anpeche peyi sa a vanse pi devan, nan mete ensekirite, injistis, kidnaping kontinye chita kè popoz, paske problem sa yo dwe fini.

A chak fwa yon nouvo gouvènman ap monte, anpil projè ki te komanse ap bay rezilta konn kanpe epi moun ki te konn mete tout tan yo ak tout fos yo ladanl konn pran gwo desepsyon. Legliz la envite presidan an ak tout moun pèp la bay manda kontinye tout program ki bon e ki bay rezilta. Li envite nou tou, nan menm misyon profetik li genyen, kanpe tou swit tout aktivite ki pap mennen ni Ayisyen ni Ayiti okenn kote : aktivite dilatwa, dezod, divizyon, piyay ak dechepiyay epi tout lot kalite briganday.

Nou lapryè Bondye pou l delivre nou anba tout sa ki anpeche Ayiti mache epi pou li ba nou fos pou nou ankouraje nan sa nap fè ki bon pou nou ak pou tout lot pep.

Som 34, vèsè15 ede nou lapriyè konsa : « Sispann fè sa ki mal. Fè sa ki byen! Chache jan pou nou viv byen ak moun. Fè tou sa nou kapab pou nou viv byen ak tout moun. Se sa mande nou ».

Notre prière, Mr le Président de la République, continuera à attirer la bénédiction de Dieu sur cette terre pour l’aider à sortir du gouffre du désespoir vers la lumière de l’espérance.

Que le Christ Ressuscité vous bénisse et vous aide à réaliser tous les projets et bons voeux que vous formulez pour ce pays!

Que Notre Dame du Perpétuel Secours vous apprenne, la fidélité, la persévérance dans les bonnes décisions!

Que Saint Joseph, le Père Nourricier de Jésus, vous aide à avoir une attention singulière pour chaque membre de cette nation!

Que Saint Michel Archange, votre patron, défende et protège la nation haïtienne! AMEN !

Mgr Louis Kébreau

Archevêque Métropolitain du Cap-Haïtien, Président de la Conférence Episcopale Haïtienne

14 mai 2011

Source : Le blog de Roosevelt Jean-François

Rappellerai-je encore à votre souvenir les trames tout récemment ourdies à Jérémie; l'explosion terrible qui devait en résulter, malgré le pardon généreux accordé à ces êtres incorrigibles, à l'expulsion de l'armée française; leurs émissaires leur out répondu à propos dans toutes les villes pour susciter une nouvelle guerre intestine; le sort déplorable de nos frères déportés en Europe; enfin, le despotisme effroyable, précurseur de la mort, exercé à la Martinique? Infortunés Martiniquais! que ne puis-je voler à votre secours et briser vos fers! Hélas! un obstacle invincible nous sépare... Mais peut-être une étincelle du feu qui nous embrase jaillira dans votre léthargie ; peut-être au bruit de cette commotion, réveillés en sursaut de votre léthargie, revendiquerez-vous, les armes à la main, vos droits sacrés et imprescriptibles. 

Nota : Il s'agit d'un extrait de la proclamation du 28 avril 1804 de Jean-Jacques Dessalines, gouverneur général d'Haïti. Il en a profité pour encourager les Martiniquais à la révolte contre la servitude et l'oppression.

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Les lâches ! Ils n'ont point senti, dans leur aveuglement, qu'ils foulaient aux pieds cette constitution qu'ils avaient juré de défendre ! Ils n'ont point compris, ces indignes descendants des fondateurs de notre indépendance que, répudiant l'héritage de nos pères, livraient à l'étranger le sol de la Patrie, tiède encore du sang de leurs ancêtres ! — Faustin Soulouque, Empereur d'Haïti
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  • Le secrétaire provisoire de la République annonce à la population que le président Jean-Pierre Boyer a démissionné
  • Charles Rivière Hérard déchoit Jean-Pierre Boyer de sa fonction de président d'Haïti
  • Projet de Concordat entre l'État de la Cité du Vatican et la République d'Haïti de 1842
  • Le ministre de la Guerre et de la Marine, Étienne Gérin, annonce à Henry Christophe la mort de Dessalines et lui envoie un acte qui le proclame chef de l'État en remplacement de l'Empereur
  • Alexandre Pétion donne lecture de son rapport le 27 décembre 1806 sur le projet de la nouvelle Constitution après l'assassinat de Jean-Jacques Dessalines
  • Récit de l'entrée du président Jean-Pierre Boyer et des Armées haïtiennes à Santo Domingo le 9 février 1822
  • Alexandre Pétion informe Henry Christophe de l'assassinat de l'Empereur Jean-Jacques Dessalines et lui demande de prendre les rênes du pays
  • Des officiers hauts-gradés de l'Armée reconnaissent Henry Christophe comme Chef d'État d'Haïti et lui demandent de sévir contre Jean-Jacques Dessalines
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Si l'héroïsme existe quelque part ici-bas, sans doute, faudrait-il aller le chercher dans les pliures du Bicolore haïtien. (Hubert Papailler)

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L'île de La Navase : trésor haïtien confisqué par les États-Unis d'Amérique

Une île haïtienne intacte, appelée La Navase, a été revendiquée par les États-Unis et rebaptisée Navassa Island, bien qu'elle se trouve à seulement 25 miles (40 km) au Sud-ouest de la ville de Jérémie et à 37 miles (60 km) de la péninsule la plus occidentale d'Haïti. La Navase est inhabitée, mais les Haïtiens pêchent sur ses côtes depuis plus de deux siècles, et toutes les îles adjacentes à Haïti, quelle que soit leur population, sont considérées comme faisant partie intégrante du pays depuis la première Constitution de Toussaint Louverture en 1801. De plus, l'article 2 de la Constitution haïtienne de 1874 mentionne expressément que les possessions insulaires d'Haïti comprennent La Navaze. L'île de 1300 acres (5,26 km²) en forme de déchirure pose un défi à l'habitation humaine parce qu'elle ne contient pas d'eau douce et les falaises abruptes le long de sa côte rendent presque impossible le débarquement d'un bateau ; cependant, elle a accueilli telle...
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Les présidents dominicains d'origine haïtienne

Beaucoup de gens ignorent que la République dominicaine a eu quatre présidents d'origine haïtienne. C'est un sujet peu traité et même caché par les historiens traditionnels. General Gregorio Luperon Gregorio Luperon Le premier président dominicain d'origine haïtienne fut Gregorio Luperon qui fut président provisoire de la République du 18 décembre 1879 au 1er septembre 1880. Concernant ses origines haïtiennes, l'historien Emilio Cordero Michel déclare : "Bien que du côté de sa mère, Luperon était d'origine haïtienne, à certains moments de sa vie, il a manifesté des préjugés contre Haïti qui ont refait surface au sein du peuple dominicain en raison du processus historique qu'il a vécu de 1844 à 1861" (Emilio Cordero Michel. Article Luperon et Haïti. Clio Magazine №152. 1995. Académie dominicaine d'histoire). Un autre historien qui fait référence à l'ascendance haïtienne de Luperon est le Dr Tirso Mejia Ricart qui établit ...
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Lettre de remerciement du général dominicain Gregorio Luperón au président Nissage Saget

Les présidents haïtiens Fabre Nicolas Geffrard et Nissage Saget ont aidé la République Dominicaine à maintenir sa souveraineté et son indépendance face à la volonté d'une certaine élite emmenée par les présidents Pedro Santana et Buenaventura Baez de livrer le pays à l'Espagne et de redevenir ainsi une colonie. Quant au président Nissage Saget, il a offert l'asile à des résistants dominicains, leur a donné des hommes, des armes, des munitions, de l'argent pour aller libérer leur pays. Ci-dessous, la lettre de remerciement de Gregorio Luperón au président Saget, dans laquelle il a également reconnu que son pays est redevable d'une immense dette envers Haïti en raison de son soutien au peuple dominicain. Une circonstance imprévue m'a emmené à Saint-Marc sur le bateau que je commandais. Votre accueil franc, loyal et sympathique a fait déborder en moi l'instinct de fraternité envers le peuple haïtien, et m'a rendu redevable à votre gouvernement d'une...
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Lettre de refus d'Anténor Firmin à la demande des États-Unis d'affermer le Môle Saint-Nicolas

Joseph Auguste Anténor Firmin, Ministre des Relations extérieures de la République d'Haïti Port-au-Prince, 22 avril 1891 Messieurs les plénipotentiaires, J'ai l'honneur de vous accuser réception à Vos Excellences de votre dépêche du 21 de ce mois, par laquelle vous avez bien voulu m'adresser une copie officielle du document signé par son Excellence le Président des États-Unis et vous investissant de pleins - pouvoirs pour - conférer avec toutes personnes revêtues des mêmes pouvoirs par Haïti, afin de négocier une convention entre les deux gouvernements. En examinant ce document et me référant à l'entrevue que j'eus l'honneur d'avoir avec Vos Excellences le jour même de la réception de votre dépêche, je dois inférer que vos pleins pouvoirs se rapportent à la demande faite le 7 février dernier au gouvernement d'Haïti, par l'honorable amiral Gherardi, en qualité de commissaire spécial des États-Unis, d'exprimer son consentement d'accorder au...
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Haïti : la malédiction blanche

Par Eduardo Galeano, intellectuel uruguayen 6 Avril 2004 Le premier jour de cette année, la liberté a fêté deux siècles de vie dans le monde. Personne ne s’en est rendu compte ou presque. Quelques jours plus tard, le pays de l’anniversaire, Haïti, occupait une certaine place dans les médias ; non pas à cause de cet anniversaire de la liberté universelle, mais parce qu’a été provoqué un bain de sang qui a fini par faire tomber le président Aristide. Haïti a été le premier pays où on a aboli l’esclavage. Toutefois, les encyclopédies les plus répandues et presque tous les textes d’éducation attribuent à l’Angleterre cet honneur historique. Il est vrai qu’un beau jour l’empire a changé d’avis, lui qui avait été le champion mondial du trafic négrier ; mais l’abolition britannique s’est produite en 1807, trois années après la révolution haïtienne, et s’est avérée tellement peu convaincante qu’en 1832 l’Angleterre a dû interdire à nouveau l’esclavage. La négation d’Haïti n’a rien de nouveau....
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La prière de Boukman Dutty

Cette prière a été prononcée par le prêtre vodou, Dutty Boukman, esclave né à la Jamaïque, lors de la cérémonie du Bois-Caïman tenue dans la nuit du 13 au 14 août 1791.  Cérémonie qui a permis quelques jours plus tard le soulèvement général des esclaves et qui constitue l'une des premières marches vers l'indépendance d'Haiti en 1804. Kreyol Bon Dje ki fè latè. Ki fè solèy ki klere nou anwo. Bon Dje ki soulve lanmè. Ki fè gronde loray. Bon Dje nou ki gen zorèy pou tande. Ou ki kache nan nyaj. Kap gade nou kote ou ye la. Ou wè tout sa blan fè nou sibi. Dje Blan yo mande krim. Bon Dje ki nan nou an vle byen fè. Bon Dje nou an ki si bon, ki si jis, li odone vanjans. Se li kap kondui bra nou pou nou ranpote la viktwa. Se li kap ba nou asistans. Nou tout fèt pou nou jete potre dje Blan yo ki swaf dlo lan zye. Koute vwa la libète kap chante lan kè nou. Français Le dieu qui créa la terre, qui créa le soleil qui nous donne la lumière. Le dieu qui détient les océans, qui fait gronder...
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Lettre de Jean-Jacques Dessalines au président Thomas Jefferson des Etats-Unis

Au quartier Général, Habitation de Frère, Plaine du Cul de Sac 23 Juin 1803 Jean Jacques Dessalines, Général en chef de l’Armée de Saint-Domingue à Monsieur le président des Etats-Unis d'Amérique Monsieur Le Président, La Goélette des États-Unis (La Fédérale, Capitaine Neheniah Barr) forcée d’entrer dans le port du Petit Goâve par nos chaloupes en croisière, m’offre l’honneur de vous instruire des événements survenus dans notre malheureuse isle depuis l’arrivée des Français et de la révolution qu’y a occasionné la tirannie de leur gouvernement oppresseur. Lassé de payer par l’effusion de tout notre sang le prix de notre aveugle fidélité à une métropole qui égorge ses enfans , le peuple de Saint Domingue, à l’exemple des nations les plus sages, a secoué le joug de la tirannie et juré l’expulsion de ses bourreaux. Déjà nos campagnes sont purgées de leur aspect; quelques villes leur restent encore, mais n’offrent plus rien à leur avide rapacité. Le...
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Lettre de Toussaint Louverture à Napoléon Bonaparte

Général Toussaint Louverture Militaire et Homme d'État haïtien Citoyen Consul,  Votre lettre m’a été transmise par le citoyen Leclerc, votre beau-frère, que vous avez nommé capitaine-général de cette île : titre qui n’est point reconnu par la constitution de Saint-Domingue. Le même messager a rendu deux enfants innocents aux embrassements et à la tendresse de leur père. Mais quelques chers que me soient mes fils, je ne veux point avoir d’obligation à mes ennemis, et je les renvoie à leurs geôliers. Les forces destinées à faire respecter la souveraineté du peuple français ont aussi effectué une descente ; elles répandent partout le carnage et la dévastation. De quel droit veut-on exterminer, par le fer et par le feu, un peuple grossier, mais innocent ? Nous avons osé former une constitution adaptée aux circonstances. Elle contient de bonnes choses, comme vous en convenez vous-même ; mais il s’y trouve aussi, dites-vous, des articles contraires à la souveraineté du peupl...
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I have a dream : Discours historique de Martin Luther King le 28 Août 1963 à Washington

J e suis heureux de me joindre à vous aujourd’hui pour participer à ce que l’histoire appellera la plus grande démonstration pour la liberté dans les annales de notre nation. Il y a un siècle de cela, un grand Américain qui nous couvre aujourd’hui de son ombre symbolique signait notre Proclamation d’Émancipation. Ce décret capital se dresse, comme un grand phare illuminant d’espérance les millions d’esclaves marqués au feu d’une brûlante injustice. Ce décret est venu comme une aube joyeuse terminer la longue nuit de leur captivité. Mais, cent ans plus tard, le Noir n’est toujours pas libre. Cent ans plus tard, la vie du Noir est encore terriblement handicapée par les menottes de la ségrégation et les chaînes de la discrimination. Cent ans plus tard, le Noir vit à l’écart sur son îlot de pauvreté au milieu d’un vaste océan de prospérité matérielle. Cent ans plus tard, le Noir languit encore dans les coins de la société américaine et se trouve exilé dans son propr...
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Les péchés d'Haïti

Eduardo Hughes Galeano Article écrit par Eduardo Galeano en 1996, journaliste et écrivain uruguayen, est l'une des personnalités les plus en vue de la littérature latino-américaine. Ses livres ont été traduits en plusieurs langues. Ses œuvres les plus connues sont Memoria del fuego (1986) et Las venas abiertas de América Latina (1971). La démocratie haïtienne est née il y a peu de temps. Au cours de sa brève vie, cette créature affamée et malade n'a reçu que des gifles. Elle est née récemment au cours des fêtes de fin d'années de 1991, quand elle a été assassinée par le coup-d'état du général Raoul Cédras. Trois ans plus tard, il a été ressuscité. Après avoir fait entrer et sortir tant de dictateurs militaires, les États-Unis ont fait déposé et remis au pouvoir le président Jean-Bertrand Aristide, qui avait été le premier dirigeant  élu par le vote populaire dans l'histoire d'Haïti et qui avait eu la folie de vouloir un pays moins injuste. Le vote et le vet...
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