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Le Président d’Haïti,

Toujours occupé de rendre le sort des défenseurs de la patrie aussi heureux que les moyens de l’État peuvent le permettre, et de récompenser les militaires qui ont rendu des services à la République et qui ne sont pas en activité de service ; après avoir pris l’avis de son conseil, arrête ce qui suit :

1. Il sera fait aux défenseurs de la patrie en non-activité de service, pour eux et leurs ayans-causes, une répartition de terres à titre de don national, qui sera réglée de la manière suivante :

Aux sous-officiers et soldats, cinq carreaux.

Aux officiers, depuis le grade de sous-lieutenant jusqu’à celui de capitaine inclusivement, dix carreaux.

Aux chefs de bataillon, quinze carreaux, et aux colonels, vingt-cinq carreaux.

2. La répartition ci-dessus sera déterminée par un règlement particulier. Le secrétaire d’État est chargé de l’exécution du présent arrêté, etc.

Signé : Pétion

Nota : Ce document a été publié le 30 décembre 1810.

Sénateurs,

Élevé, par votre choix, à la première magistrature de l’État, devenu, en quelque sorte, le dépositaire du bonheur et des destinées de notre pays, j’ai l’honneur de vous déclarer que je serais effrayé de l’étendue des obligations que vous m’imposez, si je n’étais certain de trouver dans vos lumières, dans votre sagesse et dans votre énergie, toutes les ressources dont j’aurai besoin. Cette idée, sénateurs, doit me rassurer ; et, acceptant avec confiance la nouvelle mission dont vous m’honorez, mon cœur va prononcer dans le sein du sénat, le serment que la constitution prescrit au Président d’Haïti :

Je jure de remplir fidèlement l’office de Président d’Haïti, et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution.

Que les armes confiées au peuple pour la défense de sa liberté, se dirigent contre ma poitrine, si jamais je concevais le projet audacieux et impie d’attenter à ses droits ; si jamais j’oubliais que c’est après avoir contribué à punir de mort un tyran dont l’existence était un tort de la nature, que c’est après avoir contribué à en proscrire un autre, qui, par sa folle ambition, a allumé parmi nous le feu de la guerre civile, que je me vois élevé à la Présidence d’Haïti !

Source : Études sur l'histoire d'Haïti (Beaubrun Ardouin)


Pour rendre une révolution utile, il faut, après s’être fait justice d’un tyran, frapper encore sur la tyrannie et lui ôter tous moyens de se reproduire. Tel a été le vœu ainsi que l’objet du peuple, en vous nommant pour lui donner une constitution.

Chargés par vous, citoyens, de recueillir les principes et les institutions les plus propres à fonder et à assurer la liberté et le bonheur de nos concitoyens, nous venons vous présenter le résultat de notre travail.

C’est une vérité incontestable, que le meilleur système de gouvernement est celui qui, étant le mieux adapté au caractère et aux mœurs du peuple pour qui il est fait, doit lui procurer la plus grande somme de bonheur. Mais il est également évident et certain, qu’il est des principes communs à toute bonne constitution. Le plus essentiel de ces principes est la séparation des pouvoirs, puisque leur concentration dans les mêmes mains est ce qui constitue et définit le despotisme.

Nous vous proposons donc, citoyens, d’établir un Sénat dont les membres seront élus, pour cette fois, par l’assemblée constituante, et seront pris, à l’avenir, parmi les fonctionnaires publics que le peuple aura désignés. Ainsi le Sénat sera composé de militaires qui se seront signalés par des services rendus à la patrie, et de citoyens qui, par leurs talens et leurs vertus, auront mérité la confiance publique.

Voyez quels avantages doivent résulter de cette institution. Nos lois ne seront plus l’expression du caprice et de la volonté d’un individu toujours porté, par ses passions, à séparer son intérêt particulier de l’intérêt général ; elles seront l’ouvrage d’hommes intègres et éclairés ; elles seront soumises à un examen sévère et à une discussion publique. Ceux qui les auront dictées comme sénateurs, seront forcés d’y obéir comme citoyens. Le peuple n’aura plus à craindre que l’impôt pèse sur lui au-delà de ce qu’exigent les besoins de l’État, parce qu’il aura dans ses représentans des défenseurs d’autant plus intéressés à le garantir à cet égard, que le poids porterait sur eux et leur famille.

C’est par la séparation des pouvoirs, citoyens, que les Américains sont devenus nombreux et florissans dans une progression tellement rapide, que les annales d’aucun peuple n’offrent un pareil exemple.

La séparation des pouvoirs a jeté sur l’Angleterre un éclat que n’ont pu ternir les défauts de son gouvernement.

Nous avons cru devoir vous proposer de composer le Sénat de vingt-quatre membres. Ce corps ne doit pas être trop nombreux, l’expédition des affaires en souffrirait : il doit l’être suffisamment pour que les lois se trouvent conformes, autant que possible, au désir et à la volonté du peuple.

La nomination aux emplois et aux fonctions de l’État, que nous avons attribuée au Sénat, sera toujours un des articles les plus essentiels dans toute constitution. C’est vouloir pervertir l’esprit public, c’est vouloir préparer l’esclavage de ses concitoyens, que de reconnaître au pouvoir exécutif cette importante attribution. Les fonctionnaires publics ne doivent point se considérer comme les créatures d’un individu ; tout doit au contraire leur rappeler qu’ils sont les agents et les délégués du peuple ou de ses représentans. Ainsi donc, en bonne théorie, et dans la pratique de tout gouvernement bien ordonné, le droit de nommer les fonctionnaires publics appartient essentiellement à la puissance législative.

Vous n’avez pas oublié ce que produisit sous Dessalines, cette prérogative de nommer aux places qui fut une de ses usurpations.

L’ambition et la cupidité s’emparèrent de tous les cœurs ; des hommes irréprochables jusqu’alors, consentirent, pour obtenir ou conserver un emploi, à se faire les suppôts et les agents de la tyrannie : d’autres devinrent, à la volonté du tyran, les instrumens de sa férocité.

Tous les chefs, il est vrai, ne ressemblent point à Dessalines ; mais en législation, on compte sur les principes et jamais sur les hommes.


Celui qui est chargé de faire des lois pour son pays écarte de lui toute passion, ainsi que toutes affections particulières ; le saint amour de la patrie remplit son cœur tout entier ; le moment présent n’est point tout pour lui ; son âme s’élance dans l’avenir ; il s’associe aux générations qui doivent lui survivre ; il veut que les lois politiques et civiles soient en harmonie avec les lois de la nature, parce qu’il se regarde comme l’organe et le ministre de cette Providence divine qui a créé l’homme pour qu’il fût heureux dans tous les temps.

D’ailleurs, citoyens, si nous déléguions au chef du gouvernement une portion seulement du pouvoir législatif, au lieu de travailler pour la liberté, nous établirions le despotisme. L’expérience ne prouve-t-elle pas que le pouvoir législatif tend sans cesse au relâchement, tandis que le pouvoir exécutif acquiert sans cesse une plus grande intensité de force ?

Nous vous proposons, citoyens, qu’aucune somme ne sorte du trésor public sans la signature du secrétaire d’État qui, placé auprès du Sénat, sera toujours prêt à lui rendre compte de ses opérations. Il est juste que le peuple, dont les contributions forment les revenus de l’État, soit instruit de l’emploi qui en a été fait. S’il en était autrement, si, comme dans les monarchies, le trésor public devenait le trésor d’un individu, la corruption s’introduirait jusque dans le Sénat. Les hommes étant partout les mêmes, ayons la modestie de croire que nous ne serons pas plus incorruptibles dans notre République, qu’ils ne le sont ailleurs.

Dans la situation où nous nous trouvons avec les autres gouvernemens, il est important de reconnaître au Sénat le droit d’entretenir les relations extérieures et de conduire les négociations. Nous devons rechercher la bienveillance et cultiver l’amitié de tous les gouvernemens ; en leur payant les égards et le respect qui leur sont dus, nous aurons droit d’espérer de leur part, un retour de procédés nobles et généreux.

En nous occupant du pouvoir exécutif, nous avons pensé que le titre modeste de Président était celui qui convenait le plus au premier magistrat de la République. Nous vous proposons qu’il soit élu pour quatre ans, et qu’il puisse être indéfiniment réélu. Nous vous proposons aussi qu’il ait le commandement de l’armée et qu’il nomme les commissaires près les tribunaux.

Ces pouvoirs et ces attributions qui excèdent ceux que possédait le Directoire exécutif de France, rendent extrêmement importante la carrière qu’il va parcourir. Déjà, nous entendons la voix du peuple qui lui crie :

« Nos représentans vous ont élu à la première magistrature de l’État ; ils ont voulu que vous en fussiez le premier citoyen. Honneurs, dignités, fortune, ils ont tout accumulé sur votre tête. Si vous le méritez, vous serez toute votre vie environné de l’éclat du commandement ; mais, contribuez à nous rendre heureux ! Rappelez-vous qu’il vient un moment où toutes les illusions des hommes se dissipent, et que lorsque vous serez arrivé à ce terme auquel la nature vous appelle, comme tout autre, vous ne trouverez alors de réel et de consolant que le témoignage d’une conscience irréprochable, ainsi que le souvenir des services rendus à la patrie. »

Dans l’article qui traite de la justice civile, vous trouverez des dispositions qui garantissent vos propriétés ; et dans l’article qui traite de la justice criminelle, vous trouverez des dispositions qui respirent l’humanité.

En reconnaissant à tout citoyen, le droit d’émettre et de publier ses pensées sur les matières de gouvernement, nous faisons de la liberté de la presse, le palladium de la liberté publique.

Gouvernés par de tels principes, obéissant à une constitution qui sera la boussole qui nous empêchera de nous égarer dans la route que nous avons à suivre, que nous manquer a-t-il pour être heureux ? Rien, citoyens, si nous savons user des bienfaits de cette Providence divine qui nous a protégés dans toutes nos entreprises, et qui, en nous plaçant au centre de cet archipel, sous un ciel heureux, sur une terre de merveilleuse fertilité, semble nous avoir destinés à être le peuple le plus fortuné de l’univers.

Source : Études sur l'histoire d'Haiti (Beaubrun Ardouin)


Proclamation du 2 novembre 1806 du Général Henry Christophe, chef provisoire du Gouvernement d'Haïti, au peuple et à l'Armée suite à l'assassinat de l'Empereur Jacques Ier


L’événement qui vient de vous rendre à un sort plus digne de vos sacrifices et de vos travaux, qui, en détruisant l’arbitraire dont vous aviez à vous plaindre, vous prépare un avenir heureux, doit être le nœud indissoluble de notre union et le rempart de notre félicité. C’est n’avoir rien fait que de détruire une mauvaise administration, sans lui en substituer une meilleure et sans se garder des désordres de l’anarchie trop faciles à se glisser dans la transition politique d’un régime à un autre. Souvenez-vous que le gouvernement qui va désormais garantir vos droits et assurer le prix de vos privations, demande de vous l’obéissance, le maintien exact de l’ordre et de l’union, le respect de vos chefs, l’observation de la discipline militaire et l’exécution des lois. Voilà les conditions sans lesquelles il lui est impossible de faire un pas dans la carrière qui vient de lui être ouverte.

Vous, militaires de tous grades, qui, depuis quatre ans, n’avez cessé de soutenir, sous des chefs distingués, l’honneur du drapeau d’Haïti, voudriez-vous perdre en un jour, et votre réputation et la récompense qui vous est destinée ? voudriez-vous renverser sur vos têtes, l’édifice de notre indépendance et de notre liberté, et nous exposer, par sa chute, à l’ironie des nations ? Avez-vous oublié les préceptes de cette discipline qui a fait distinguer, même par nos ennemis, votre mérite et votre bravoure ? Souvenez-vous que le soldat n’est pas digne de ce nom, lorsqu’il s’écarte du sentier de ses devoirs. Souvenez-vous que la sûreté de l’État, celle de vos familles, des citoyens et des propriétés, dépendent de votre obéissance à vos chefs. Le gouvernement a les yeux ouverts sur vous ; il sait quelles ont été vos privations ; il s’occupe à chaque instant de pourvoir, d’avance, aux moyens d’assurer votre équipement, votre paie et votre existence. Ne détruisez donc pas les soins qu’il consacre à assurer votre sort.

Vous, cultivateurs et habitans, dont les bras laborieux soutiennent les bases du gouvernement, votre bonheur est dans vos travaux, votre richesse est le produit de votre culture ; sans l’ordre le plus exact, sans une tranquillité parfaite, vous perdrez tout le fruit de vos sueurs. Votre bonheur et celui de votre famille occupent le gouvernement ; il ne cesse de travailler pour vous donner des règlemens dont la sagesse va vous garantir la jouissance du produit de votre travail et assurer l’aisance dans le sein de vos familles. La régularité de votre conduite est essentiellement nécessaire pour assurer les effets de la bienfaisante sollicitude du gouvernement à votre égard.

Militaires de toutes armes, habitans de tous états, pénétrez-vous bien de la nécessité d’une rigoureuse obéissance aux lois. S’il est au milieu de vous des agitateurs, des stipendiés de nos ennemis, des traîtres qui chercheraient à détruire vos principes, sachez les connaître ; mettez le gouvernement à même de détruire les pernicieux effets de leurs perfides insinuations ; confiez sans détour à vos chefs, avec la franchise du véritable Haïtien, leurs suggestions astucieuses. Gardez dans vos âmes l’amour de votre patrie, celui de l’ordre ; imprimez-y, en caractères ineffaçables, que le gouvernement veut le maintien de la plus parfaite union, et le sacrifice de toute haine, ambition, de tout esprit de parti, et n’a d’autre but que le salut de l’État.


Nota : L'acte ci-dessus a été publié le 2 novembre par le Général Henry Christophe qui venait, selon l'accord qu'il avait conclu avec les Généraux de l'Ouest et du Sud, prendre la tête du jeune État.


Le Secrétaire d’État provisoire

Fait savoir officiellement au public que le Président d’Haïti vient de déposer au Sénat de la République, l’acte portant sa démission.

Haïtiens ! dans les circonstances actuelles où se trouve notre pays, nous devons donner l’exemple du calme et de la modération. Que les personnes et les propriétés soient entièrement respectées, que tous les fonctionnaires de la capitale se pénètrent de l’importance de concourir avec l’autorité supérieure au maintien de l’ordre. C’est en suivant cette marche, que toutes les garanties seront offertes aux citoyens et aux chefs qui commandent la capitale.

Donné au palais national du Port-au-Prince, le 14 mars 1845, an 40e de l’indépendance.

Signé : Pilié.

Au Sénat de la République d’Haïti,
Citoyens Sénateurs,

Vingt-cinq années se sont écoulées depuis que j’ai été appelé à remplacer l’illustre fondateur de la République que la mort venait d’enlever à la patrie. Durant cette période de temps, des événemens mémorables se sont accomplis. Dans toutes les circonstances, je me suis toujours efforcé de remplir les vues de l’immortel Pétion, que, mieux que personne, j’étais en position de connaître. Ainsi, j’ai été assez heureux de voir successivement disparaître du sol, et la guerre civile et les divisions de territoire qui faisaient du peuple haïtien une nation sans force, sans unité. J’ai pu ensuite voir reconnaître solennellement sa souveraineté nationale, garantie par des traités dont la foi publique prescrivait l’exécution.

Les efforts de mon administration ont constamment tendu vers un système de sage économie des deniers publics; en ce moment, la situation du trésor national offre la preuve de ma constante sollicitude : environ un million de piastres y est placé en réserve; d'autre fonds sont, en outre, déposés à la caisse des dépôts et consignations, à Paris, pour compte de la République.

De récens événemens, que je ne dois pas qualifier ici, ayant amené pour moi des déceptions auxquelles je ne devais pas m’attendre, je crois qu’il est de ma dignité, comme de mon devoir envers la patrie, de donner, dans cette circonstance, une preuve de mon entière abnégation personnelle, en abdiquant solennellement le pouvoir dont j’ai été revêtu.

En me condamnant en outre à un ostracisme volontaire, je veux ôter toute chance à la guerre civile, tout prétexte à la malveillance. Je ne forme plus qu’un vœu : c’est qu’Haïti soit aussi heureuse que mon cœur l'a toujours désiré. 

(Signé) BOYER.


Nota : Ce document a été publié dans le numéro du 15 mars 1843 du Journal officiel Le Télégraphe. Il a été rédigé par son proche collaborateur Beaubrun Ardouin, sous la supervision du vieux président.



Liberté,ou la Mort.

Acte de déchéance.

« Au nom du peuple souverain.

« Charles Hérard aîné, chef d’exécution, des volontés du peuple souverain et de ses résolution,

« En vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés, au nom du peuple, par l’acte du 21 novembre 1842, en exécution du manifeste expositif de ses griefs et déclaratif de la revendication de ses droits ;

« Considérant que le général Jean-Pierre Boyer a violé la constitution en vertu de laquelle l’office de Président d’Haïti lui avait été confié pour exercer le pouvoir exécutif ;

« 1o Par les nombreux attentats qu’il a portés à l’inviolabilité de la représentation nationale, en décimant ses membres dans les sessions de 1822, 1855, 1859 et 1842, pour lui ravir son indépendance et la forcer à trahir son mandat ;

« 2o Par l’abus qu’il a fait de la faculté de proposer des candidats au Sénat, soit à l’occasion de la formation des listes, soit en y portant des membres de sa famille ou des favoris qui n’avaient aucun titre à cette dignité, afin de faire de ce corps un instrument docile à ses volontés ;

« 3o Par l’usurpation de pouvoirs qui ne lui étaient point attribués, notamment ceux de faire grâce et de créer un papier-monnaie ;

« 4o Par la délégation qu’il s’est fait donner, par une législature illégale et corrompue, de pouvoirs que la constitution lui refusait impérativement, tels que ceux de former et organiser l’armée, de changer ou modifier le système monétaire, de suspendre les lois civiles par des mesures extraordinaires, au moyen des commissions créées dans toutes les villes, sous le prétexte de consolider l’ordre public ;

« 5o Par l’initiative qu’il a prise dans les lois relatives aux impôts publics ;

« 6o Par l’altération qu’il a faite au texte des lois, et le refus de promulguer celles qui avaient été décrétées, par la législature ;

« 7o Par la distraction des citoyens de leurs juges naturels, en les livrant à l’arbitraire de commissions ou civiles ou militaires, composées d’agents à ses ordres ;

« 8o Par la révocation, sans jugement, de juges inamovibles, pour leur substituer des hommes ou corrompus ou dévoués à ses caprices ;

« 9o Par la destitution arbitraire d’employés honorables et de fonctionnaires qu’il n’avait pas le droit de révoquer ;

« Considérant que par tous ces faits, calculés avec une profonde perversité, il a renversé tous les principes, violé tous les droits, détruit toutes les garanties, notamment celles du jury et de la liberté de la presse ; — qu’il a violé les règles et les formes protectrices de la justice, au point qu’il n’y a plus de sûreté ni pour les propriétés ni pour les personnes ; — que, tout en écrasant le peuple d’impôts odieux, il a plongé les finances et l’administration publique dans le désodre et l’anarchie, afin de masquer la dilapidation qu’il a faite des deniers publics ; — que pour établir sa domination et façonner le peuple à la servitude, il s’est efforcé d’éteindre en lui tout sentiment de dignité nationale, en cherchant à l’abrutir par ces deux moyens de despotisme : la misère et l’ignorance ; — que, par un système combiné de mensonge, d’espionnage et de délation, il a perverti l’opinion, corrompu la morale publique, semé la division et la haine parmi les citoyens, et jeté la défiance et l’effroi dans les familles ; — qu’une fois entré dans cette voie d’iniquité, il s’est livré à la tyrannie la plus odieuse, en s’imposant comme le seul arbitre du pays ; qu’enfin, par une ignorance profonde du droit des gens et sa mauvaise foi dans les relations internationales, il a compromis l’honneur et le caractère haïtien, et exposé l’indépendance nationale ;

« Considérant que la République ayant été mise en péril par un tel état de choses, le peuple, désespérant d’une réforme qu’il avait en vain et tant de fois réclamée par ses organes légitimes, s’est vu réduit à prendre les armes pour révoquer le mandat constitutionnel qu’il avait consenti, et ressaisir l’exercice de sa souveraineté ;

« Considérant que tous ceux qui ont coopéré aux actes d’usurpation et de tyrannie du Président Boyer, ou qui, par des actions déloyales ou des conseils perfides, l’ont secondé dans des mesures liberticides, soit comme fonctionnaires, soit comme exécuteurs de ses volontés, doivent être réputés ses complices ;

» À ces causes, déclare et arrête ce qui suit :

« Art. 1er. Le général Jean-Pierre Boyer est déchu de l’office de Président d’Haïti, comme coupable de lèse-nation.

Art. 2. Sont mis en état d’accusation, comme complices du Président Boyer et traîtres à la patrie :

Joseph-Balthazar Inginac, général de division et secrétaire général près du Président d’Haïti ;

Alexis Beaubrun Ardouin, ex-sénateur ;

Charles Céligny Ardouin, administrateur des Cayes ;

Jean-Jacques Saint-Victor Poil, général de brigade et commandant l’arrondissement du Port-au-Prince ;

Jérôme-Maximilien Borgella, général de division, commandant l’arrondissement des Cayes et provisoirement le département du Sud ;

Jean-Baptiste Riché, général de brigade ;

Louis-Mesmin-Seguy Villevaleix, sénateur et ex-chef principal des bureaux du Président d’Haïti[18].

Art. 3. Tous les individus compris dans les art. 1er et 2 ci-dessus, seront livrés à un jury national et jugés dans la forme qui sera déterminée.

Art. 4. Toute autorité cessant devant la volonté du peuple souverain, il sera pourvu à toutes les fonctions publiques dont l’utilité sera reconnue et dans la forme qui sera prescrite par la nouvelle constitution.

Art. 5. Provisoirement, les citoyens chargés actuellement de fonctions publiques, civiles et militaires, continueront à les exercer, sous l’autorité du gouvernement populaire, jusqu’à révocation ou remplacement.

Art. 6. Le présent acte sera imprimé, lu et affiché dans toute l’étendue du territoire de la République.

Donné au quartier-général des Cayes (du Port-au-Prince), le 10 (24) mars 1843, an 40e de l’indépendance et le 1er de la régénération.

Signé : C. Hérard aîné.

Par le chef d’exécution :

Le chef de l’état-major général de l’armée populaire,

Signé : Hérard-Dumesle.


« Au nom de la Très-Sainte et Indivisible Trinité.

« Sa Sainteté le Souverain Pontife Grégoire XVI, et Jean-Pierre Boyer, Président de la République d’Haïti,

« Reconnaissant également la nécessité de pourvoir, d’une manière solide et définitive, à ce que réclame l’état actuel de l’Église dans l’île et République d’Haïti, pour le plus grand bien et avantage de la religion catholique qui est professée par la majorité des Haïtiens, ont nommé, pour parvenir à ce but ;

« Sa Sainteté, — le révérend Joseph Rosati, évêque de Saint-Louis, légat du Saint-Siège, muni de pleins pouvoirs ;

« Le Président d’Haïti, — le général Joseph Balthazar Inginac, secrétaire général ; les sénateurs Pierre André et B. Ardouin ; Seguy Villevaleix, chef des bureaux de la secrétairerie générale ; et Eugène Seguy Villevaleix, secrétaire particulier du Président d’Haïti, pareillement munis de pleins pouvoirs ;

« Lesquels, après l’échange de leurs pleins pouvoirs respectifs, ont arrêté la convention suivante :

« Art. 1er. La religion catholique, apostolique et romaine étant professée par la majorité des Haïtiens, continuera d’être spécialement protégée ainsi que ses ministres.

« Art. 2. Il ne sera établi, pour le présent, dans la République, qu’un seul diocèse dont le siège est fixé au Port-au-Prince. Si les besoins de la religion l’exigent, sur la demande qui en sera faite par le Président d’Haïti au Saint-Siège, il sera établi d’autres évêques dans la République, et il y sera érigé un archevêché.

« Art. 3. Le Président d’Haïti nommera les archevêques et les évêques ; et si le Saint-Siège leur trouve les qualités requises par les saints canons, il leur donnera l’institution canonique.

« Dans le cas que le Saint-Siège ajournerait ou refuserait l’institution canonique dont il est parlé plus haut, il devra en informer le Président d’Haïti.

« Art. 4. Les archevêques, et les évêques, avant d’entrer en fonctions, prêteront directement entre les mains du Président d’Haïti, le serment suivant :

« Je jure et promets à Dieu, sur les saints évangiles, de garder obéissance et fidélité au gouvernement établi par la constitution d’Haïti, et de ne rien entreprendre, ni directement ni indirectement, qui soit contraire aux droits et aux intérêts de la République. »

« Art. 5. L’archevêque et les évêques d’Haïti recevront un traitement annuel du trésor public.

« Art. 6. Les évêques nommeront leurs grands vicaires, dont le choix ne pourra porter que sur des personnes agréées par le Président d’Haïti.

« Dans le cas de décès ou de démission de l’évêque diocésain, celui des vicaires généraux qu’il aura désigné et déclaré premier grand vicaire ; ou, à défaut de cette désignation, le plus ancien d’entre eux dans l’office de grand vicaire, administrera en chef le diocèse ; les autres, s’il y en a, exerceront sous lui leur charge, pendant la vacance du siège épiscopal, et ce, en vertu des pouvoirs extraordinaires accordés, à cet effet, par le présent concordat.

« Art. 7. Les évêques ne pourront apporter aucun changement à la circonscription actuelle des paroisses, ni en ériger de nouvelles que de concert avec le Président d’Haïti.

« Art. 8. Aucune institution ni fondation pieuse ne pourront être établies sans l’autorisation du Président d’Haïti.

« Art. 9. Les évêques nommeront les curés et les vicaires des paroisses, ainsi que les supérieurs, directeurs et professeurs des petits et grands séminaires, dont le Président d’Haïti aura autorisé l’établissement.

« Ils examineront les lettres de prêtrise ; les démissoriales, les exéats et autres lettres testimoniales des ecclésiastiques étrangers qui se présenteront pour exercer, dans la République, le saint ministère ; mais leur choix, tant pour les curés et les vicaires des paroisses, que pour les supérieurs, directeurs et professeurs, ne pourra se fixer que sur des personnes agréées par le Président d’Haïti.

« Art. 10. Les vicaires généraux, les curés et les vicaires des paroisses, avant d’entrer en fonctions, prêteront, entre les mains de l’autorité civile désignée par le Président d’Haïti, le même serment que les évêques.

« Art. 11. Il ne sera porté aucune entrave à la libre correspondance, des ministres du culte catholique, en Haïti, avec le Saint-Siège, sur les matières de religion.

« Art 12. La formule suivante de prière sera récitée ou chantée à la fin de l’office divin, dans toutes les églises catholiques d’Haïti : Domine salvam, fac Rempublicam, cum Preside nostro N… et exaudi nos in die quâ invocaverimus te.

« Art. 13. Dans le cas que l’un des successeurs du Président actuel de la République d’Haïti ne professerait pas la religion catholique, le présent concordat sera modifié par une nouvelle convention, par rapport aux droite mentionnés dans les articles précédens, et qui ne pourraient être exercés par des personnes non catholiques.

« Art. 14. Les fonds curiaux ne seront employés qu’à l’entretien du culte catholique et de ses ministres, ainsi qu’aux frais et dépenses des séminaires et autres établissemens pieux autorisés par le Président d’Haïti.

« L’administration de ces fonds sera confiée, dans chaque paroisse, sous la haute surveillance de chaque évêque, au curé concurremment avec le directeur du conseil de notables, lesquels choisiront un caissier parmi les citoyens du lieu.

« Art. 15. Il est déclaré de la part du Président d’Haïti, et il est bien entendu, de la part du Saint-Siège, que l’exécution des stipulations du présent concordât ne pourra être entravée par aucune interprétation contraire résultant des lois actuelles d’Haïti.

« Art. 16. Le présent Concordat sera ratifié de part et d’autre, et l’échange des ratifications devra avoir lieu dans le délai de… ou plus tôt si faire se peut. »


Nota : Le projet de Concordat avec l'Église de Rome n'a finalement pas été adoptée malgré un accueil favorable du texte par le président Boyer.


Source : Études sur l'histoire d'Haïti (Beaubrun Ardouin)



Au Port-au-Prince, le 18 octobre 1806, l’an III de l’indépendance.
Le Ministre de la guerre et de la marine,

À S. E. le Général en chef de l’armée, et chef suprême du gouvernement d’Haïti.

Excellence,

Depuis longtemps nos vœux vous désirent à la tête du gouvernement de notre pays. Une foule d’actes arbitraires, un règne par la terreur, des injustices sans nombre, et un gouvernement dont le but était une destruction et une subversion totales, nécessitaient que vous eussiez succédé au tyran, pour nous faire oublier, par vos vertus et vos talens, les excès de notre Néron. Le malheur du peuple ayant été à son comble, il s’est levé en masse contre celui qui l’a occasionné, et préparait par la force, sa chute, quand la divine Providence, dirigeant cet événement, a conduit Dessalines au Pont-Rouge, sur le chemin du Cul-de-Sac, près de cette ville, pour être frappé à mort par le premier coup de fusil qui a été tiré depuis cette sainte insurrection. En commandant cette embuscade, j’avais donné les ordres les plus positifs de ne le point tuer, mais bien de l’arrêter pour qu’il fût jugé. Cependant, au moment que je criai : halte ! il se saisit d’un de ses pistolets, en lâcha un coup, et fit des mouvemens pour rétrograder et se sauver. Alors partit ce coup de fusil qui l’atteignit, ensuite une décharge ; et la fureur des soldats alla au point de mutiler et d’écharper son corps inanimé. Le colonel Marcadieu périt aussi en le défendant, et a excité bien des regrets. La difficulté de contenir des esprits montés et exaspérés a empêché de sauver cet homme estimable. Le reste de son état-major est en grande partie ici.

Ainsi, le tyran n’est plus, et l’allégresse publique applaudit à cet événement, comme elle vous nomme pour nous gouverner. Le peuple et l’armée ne doutent pas, Excellence, que vous vouliez bien agréer les fonctions dont ils vous chargent, par une volonté générale bien prononcée et spontanée.

J’ai l’honneur de vous adresser sous ce pli, Excellence, une lettre des chefs de la 1re division du Sud ; une relation de la marche de l’armée que j’ai commandée, et des heureux résultats qui en ont été la suite ; des exemplaires de l’acte du peuple qui vous proclame son chef ; et le triplicata d’une lettre que je vous écrivis de l’Anse-à-Veau, dont aucunes ne vous sont, je crois, parvenues, puisque celle que j’ai l’honneur de vous remettre ci-joint m’a été rendue ici.

J’ai l’honneur d’être, avec respect, de votre Excellence,

Le très-humble et très-obéissant serviteur,

Signé : Et. Gérin.


Au quartier-général du Port-au-Prince, le 18 octobre 1806.


Le général de division Pétion, commandant en chef la 2e division de l’Ouest,

A. S. E. le Général en chef de l’armée d’Haïti, Henry Christophe.

Général,

Échappés des coups destructeurs que les agents d’un gouvernement ingrat et barbare frappaient sur les habitans de ce pays, nous avions cru devoir confier les moyens de notre restauration entre les mains d’un homme qui, par ses dangers personnels et sa propre expérience, aurait pu, avec sagesse, fixer encore le bonheur parmi nous. Lorsque abusant de notre patience, il força nos volontés, en couvrant sa tête de l’éclat du diadème, nous pûmes penser qu’au faîte des grandeurs et de la puissance, il aurait reconnu que son pouvoir était l’ouvrage de nos mains et le prix de notre courage ; il paraissait même s’en être pénétré, et nous espérions qu’à l’abri des lois, nous aurions pu jouir, dans un état paisible, de tous les sacrifices que nous n’avions cessé de faire depuis si longtemps. Quel en a été le résultat, général ? À peine a-t-il senti son autorité affermie, qu’il a oublié tous ses devoirs, et qu’au mépris des droits sacrés d’un peuple libre, il a cru qu’il n’y avait de véritable jouissance que dans celle exercée par le pouvoir le plus despotique et la tyrannie la plus prononcée. Nos cœurs ont longtemps gémi, et nous n’avons employé que la soumission et la docilité pour le ramener aux principes de justice et de modération avec lesquels il avait promis de nous gouverner. Son dernier voyage dans la partie du Sud a enfin dévoilé ses projets, même aux yeux les moins clairvoyans, et nous a prouvé qu’il ne nous restait d’autres moyens de conservation pour nous-mêmes, et pour nous opposer aux attaques de l’ennemi extérieur, que de nous lever en masse, si nous voulions éviter une destruction prochaine et résolue : ce mouvement spontané, l’élan de nos cœurs opprimés, a produit un effet aussi prompt que celui de l’éclair. Dans peu de jours, les deux divisions du Sud ont été debout ; rien ne devait arrêter cette irruption, puisqu’elle était un mouvement aussi juste que sacré, celui des droits du citoyen impunément violés. Nous avons joint nos armes à celles de nos frères du Sud. Pénétrée des mêmes sentimens qu’eux, l’armée réunie s’est portée au Port-au-Prince, dans l’état le plus admirable et la plus exacte discipline, en respectant les propriétés, sans que le travail de l’agriculture ait été dérangé un seul moment, ni que le sang ait été versé.

La Providence, qui est infinie dans ses décrets, s’est plue à se manifester dans une aussi juste cause, en conduisant notre oppresseur au sort qui l’attendait, et lui a fait trouver le châtiment de ses crimes aux pieds des remparts d’une ville où il venait avec des forces, pour l’inonder du sang de ses semblables, puisque, pour nous servir de ses dernières expressions, il voulait régner dans le sang.

Nous n’aurions pas achevé notre ouvrage, général, si nous n’avions été pénétrés qu’il existait un chef fait pour commander à l’armée avec toute la latitude du pouvoir dont il n’avait eu jusqu’à ce jour que le nom. C’est au nom de toute cette armée, toujours fidèle, obéissante, disciplinée, que nous vous prions, général, de prendre les rênes du gouvernement et de nous faire jouir de la plénitude de nos droits, de la liberté, pour laquelle nous avons si longtemps combattu, et d’être le dépositaire de nos lois, auxquelles nous jurons d’obéir, puisqu’elles seront justes.

J’ai l’honneur de vous saluer avec un respectueux attachement,

Signé : Pétion.

Crédit : Haitian Art Society

Une affreuse tyrannie, exercée depuis trop longtemps sur le peuple et l’armée, vient enfin d’exaspérer tous les esprits et les porter, par un mouvement digne du motif qui le fit naître, à se lever en masse pour former une digue puissante contre le torrent dévastateur qui le menace.

Un complot, ourdi dans le calme et la réflexion, allait bientôt éclater ; les hommes susceptibles de penser, ceux capables enfin de faire triompher les sublimes principes de la vraie liberté, dont ils sont les défenseurs, devaient disparaître pour toujours ; une marche rapide vers la subversion totale, effrayait déjà même l’homme le plus indifférent : tout semblait annoncer que nous touchions au moment de voir se renouveler ces scènes d’horreur et de proscription, ces cachots, ces gibets, ces bûchers, ces noyades dont nous étions les tristes et malheureuses victimes, sous le gouvernement des Rochambeau, des Darbois, des Ferrand, des Berger, etc., etc., etc.

Moins touché du bonheur de ses peuples qu’avide à ramasser, le chef du gouvernement fit dépouiller injustement de leurs biens, des milliers de familles qui sont en ce moment réduites à la plus affreuse misère, sous le prétexte apparent qu’elles ne pouvaient justifier de leurs titres de propriété ; mais dans le fait, pour augmenter ses domaines. N’est-il pas constant qu’après avoir joui depuis dix, vingt et trente ans d’un bien, on devait en être supposé le véritable propriétaire ? Dessalines ne l’ignorait pas ; il était persuadé même que ces citoyens avaient perdu leurs titres dans les derniers événemens ; il en profita pour satisfaire sa cupidité. D’autres petits propriétaires furent arrachés inhumainement de leurs foyers, et renvoyés sur les habitations d’où ils dépendaient, sans avoir égard ni à leur âge, ni à leur sexe. Si des considérations particulières ou des vues d’intérêt général pouvaient autoriser cette mesure, qui paraît avoir été adoptée par les gouvernemens précédens, au moins était-il juste d’accorder une indemnité à ceux sur lesquels on l’exerçait.

Le commerce, source de l’abondance et de la prospérité des États, languissait sous cet homme stupide, dans une apathie dont les vexations et les horreurs exercées sur les étrangers ont été les seules causes. Des cargaisons enlevées par la violence, des marchés aussitôt violés que contractés, repoussaient déjà de nos ports tous les bâtimens. L’assassinat de Thomas Thuat, négociant anglais, connu avantageusement dans le pays par une longue résidence, par une conduite irréprochable, et par ses bienfaits, a excité l’indignation ; et pourquoi ce meurtre ? Thomas Thuat était riche, voilà son crime !… Les négocians haïtiens ne furent pas mieux traités : les avantages qu’on avait l’air de vouloir leur accorder, n’avaient été calculés que sur le profit qu’on pouvait en tirer : c’étaient des fermiers que pressuraient des commis avides.

Toujours entraîné vers ce penchant qui le porte au mal, le chef du gouvernement, dans la dernière tournée qu’il fit, désorganisa l’armée ; sa cruelle avarice lui suggéra l’idée de faire passer les militaires d’un corps dans un autre, afin de les rapprocher de leur lieu natal, pour ne point s’occuper de leur subsistance, quoiqu’il exigeât d’eux un service très-assidu. Le soldat était privé de sa paye, de sa subsistance, et montrait partout sa nudité, tandis que le trésor public fournissait avec profusion, des sommes de vingt mille gourdes par an, à chacune de ses concubines, dont on en peut compter au moins une vingtaine, pour soutenir un luxe effréné qui faisait en même temps la honte du gouvernement et insultait à la misère publique.

L’empire des lois ne fut pas non plus respecté. Une constitution faite par ordre de l’empereur, uniquement pour satisfaire à ses vues, dictée par le caprice et l’ignorance, rédigée par ses secrétaires, et publiée au nom des généraux de l’armée qui n’ont non-seulement, jamais ni approuvé ni signé cet acte informe et ridicule, mais encore n’en eurent connaissance que lorsqu’elle fut rendue publique et promulguée. Les lois réglementaires formées sans plans et sans combinaisons, et toujours pour satisfaire plutôt à une passion que pour régler les intérêts des citoyens, furent toujours violées et foulées aux pieds par le monarque lui-même. Aucune loi protectrice ne garantissait le peuple contre la barbarie du souverain ; sa volonté suprême entraînait un citoyen au supplice, sans que ses amis et ses parens en pussent connaître les causes. Aucun frein, enfin, n’arrêtait la férocité de ce tigre altéré du sang de ses semblables ; aucune représentation ne pouvait rien sur ce cœur barbare, pas même les sollicitations de sa vertueuse épouse dont nous admirons tous les rares qualités.

Les ministres dont la constitution (si cet acte peut être qualifié de ce nom) avait déterminé les fonctions, ne purent jamais les exercer pour le bonheur du peuple ; leurs plans et leurs représentations furent toujours ridiculisés et rejetés avec mépris ; leur zèle pour le bien public en général, et pour celui de l’armée en particulier, fut par conséquent paralysé.

La culture, cette première branche de la fortune publique et particulière, n’était point encouragée, et les ordres du chef ne tendaient qu’à faire mutiler les pauvres cultivateurs. Était-il sage, enfin, d’arracher à la culture des bras qui la fructifiaient, pour grossir sans besoin le nombre des troupes, qu’on ne voulait ni payer, ni nourrir ni vêtir, lorsque déjà l’armée était sur un pied respectable ?

Tant de crimes, tant de forfaits, tant de vexations ne pouvaient rester plus longtemps impunis : le peuple et l’armée, lassés du joug odieux qu’on leur imposait, rappelant leur courage et leur énergie, viennent enfin, par un mouvement spontané, de le briser. Oui, nous avons rompu nos fers !… Soldats, vous serez payés, habillés. Propriétaires, vous serez maintenus dans la possession de vos biens. Une constitution sage va bientôt fixer les droits et les devoirs de tous.

En attendant le moment où il sera possible de l’établir, nous déclarons que l’union, la fraternité et la bonne amitié étant la base de notre réunion, nous ne déposerons les armes qu’après avoir abattu l’arbre de notre servitude et de notre avilissement, et placé à la tête du gouvernement un homme dont nous admirons depuis longtemps le courage et les vertus, et qui, comme nous, était l’objet des humiliations du Tyran. Le peuple et l’armée dont nous sommes les organes, proclament le général Henry Christophe, chef provisoire du gouvernement haïtien, en attendant que la constitution, en lui conférant définitivement ce titre auguste, en ait désigné la qualification.

Donné en conseil, à notre quartier-général du Port-au-Prince, le 16 octobre 1806, an 3e de l’Indépendance, et de la vraie Liberté, le 1er.


SIGNATURES : Gérin, Pétion, Yayou, Vaval, Bonnet, Marion, Véret, Francisque, Lamarre, Sanglaou...


Source : Études sur l'histoire d'Haïti (Beaubrun Ardouin)




Aux Cayes, le 13 octobre 1806.
Les chefs de l’armée du Sud, au Général en chef.
« Ils sont enfin connus, ces secrets pleins d’horreur ! »

Le général de brigade Moreau et ses adhérens, dignes satellites du tyran, étaient les porteurs de ces ordres écrits pour exterminer la malheureuse classe des anciens libres de toutes couleurs. Dessalines, qui leur doit beaucoup, veut maintenant briser l’instrument dont il s’est en partie servi pour parvenir au faîte de sa grandeur ; il a réuni aux domaines les propriétés les plus authentiques : il a fait des levées de troupes ; il a fait faire des levées d’argent. Tous les cœurs étaient ulcérés, l’indignation était à son comble. Le peuple en masse s’est levé ; nous avons tiré l’épée, et nous ne la remettrons dans le fourreau que lorsque vous nous l’ordonnerez.

Nous ne vous cacherons pas, digne général en chef, que nous croyons votre indignation au moins égale à la nôtre ; et nous vous proclamons avec joie et à l’unanimité, le chef suprême de cette île. Sous quelque dénomination qu’il vous plaise de choisir, tous les cœurs sont à vous ; nous jurons, devant Dieu, de vous être toujours fidèles et de mourir pour la liberté et pour vous.

Nous ignorons quel est votre sort et votre position ; mais nous espérons que vous combattez en ce moment Dessalines. Nous avons appris indirectement que vous vous étiez emparé du trésor du Cap, et que vous aviez payé vos troupes. Nous venons d’en faire autant : notre trésor des Cayes s’est trouvé grossi par les exactions et les confiscations ordonnées.

Nous ferons marcher demain des troupes pour le Pont-de-Miragoane, en attendant que nous soyons surs des intentions du colonel Lamarre, à qui nous avons écrit au Petit-Goave et qui, certainement, ne se fera pas prier pour partager notre indignation.

Nous avons aussi écrit au général de division Gérin, en ce moment au Petit-Trou, pour lui offrir provisoirement le commandement des deux divisions du Sud.

Aquin, l’Anse-à-Veau et Jacmel sont pour nous et pour vous ; nous ne sommes pas encore surs de Jérémie, parce qu’il y a là deux partisans du tyran, qui ont du pouvoir et qui pourraient en abuser ; cependant nous espérons le contraire. Au reste, le colonel Vancol marchera demain pour les soumettre ou les persuader au besoin.

Le général de brigade Moreau, marchant vers le Cap Tiburon, pour exécuter une nouvelle Saint-Barthélémy, a été arrêté dans la plaine par notre parti. Le général G. Lafleur est aussi arrêté en ville.

Nous attendons, général en chef, vos ordres pour l’ensemble de nos opérations ; soyez notre protecteur et celui d’Haïti : nous espérons que Dieu bénira la bonne cause.

Nous vous prions, brave général, de ne point mettre du retard dans cette réponse, et d’avoir avec nous une correspondance très-active, soit par mer, soit par terre, s’il est possible.

Nous avons l’honneur d’être, avec un profond respect, général, vos très-humbles et très-obéissans subordonnés.

Signé : Pour le colonel Wagnac, commandant l’armée de la 1re division du Sud, Voltaire ; Beauregard, Papalier, Vancol, Racolier, L. Bourdet, J. Rocher, Lacoule.

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Les présidents dominicains d'origine haïtienne

Beaucoup de gens ignorent que la République dominicaine a eu quatre présidents d'origine haïtienne. C'est un sujet peu traité et même caché par les historiens traditionnels. General Gregorio Luperon Gregorio Luperon Le premier président dominicain d'origine haïtienne fut Gregorio Luperon qui fut président provisoire de la République du 18 décembre 1879 au 1er septembre 1880. Concernant ses origines haïtiennes, l'historien Emilio Cordero Michel déclare : "Bien que du côté de sa mère, Luperon était d'origine haïtienne, à certains moments de sa vie, il a manifesté des préjugés contre Haïti qui ont refait surface au sein du peuple dominicain en raison du processus historique qu'il a vécu de 1844 à 1861" (Emilio Cordero Michel. Article Luperon et Haïti. Clio Magazine №152. 1995. Académie dominicaine d'histoire). Un autre historien qui fait référence à l'ascendance haïtienne de Luperon est le Dr Tirso Mejia Ricart qui établit ...
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Lettre de remerciement du général dominicain Gregorio Luperón au président Nissage Saget

Les présidents haïtiens Fabre Nicolas Geffrard et Nissage Saget ont aidé la République Dominicaine à maintenir sa souveraineté et son indépendance face à la volonté d'une certaine élite emmenée par les présidents Pedro Santana et Buenaventura Baez de livrer le pays à l'Espagne et de redevenir ainsi une colonie. Quant au président Nissage Saget, il a offert l'asile à des résistants dominicains, leur a donné des hommes, des armes, des munitions, de l'argent pour aller libérer leur pays. Ci-dessous, la lettre de remerciement de Gregorio Luperón au président Saget, dans laquelle il a également reconnu que son pays est redevable d'une immense dette envers Haïti en raison de son soutien au peuple dominicain. Une circonstance imprévue m'a emmené à Saint-Marc sur le bateau que je commandais. Votre accueil franc, loyal et sympathique a fait déborder en moi l'instinct de fraternité envers le peuple haïtien, et m'a rendu redevable à votre gouvernement d'une...
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Lettre de refus d'Anténor Firmin à la demande des États-Unis d'affermer le Môle Saint-Nicolas

Joseph Auguste Anténor Firmin, Ministre des Relations extérieures de la République d'Haïti Port-au-Prince, 22 avril 1891 Messieurs les plénipotentiaires, J'ai l'honneur de vous accuser réception à Vos Excellences de votre dépêche du 21 de ce mois, par laquelle vous avez bien voulu m'adresser une copie officielle du document signé par son Excellence le Président des États-Unis et vous investissant de pleins - pouvoirs pour - conférer avec toutes personnes revêtues des mêmes pouvoirs par Haïti, afin de négocier une convention entre les deux gouvernements. En examinant ce document et me référant à l'entrevue que j'eus l'honneur d'avoir avec Vos Excellences le jour même de la réception de votre dépêche, je dois inférer que vos pleins pouvoirs se rapportent à la demande faite le 7 février dernier au gouvernement d'Haïti, par l'honorable amiral Gherardi, en qualité de commissaire spécial des États-Unis, d'exprimer son consentement d'accorder au...
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Haïti : la malédiction blanche

Par Eduardo Galeano, intellectuel uruguayen 6 Avril 2004 Le premier jour de cette année, la liberté a fêté deux siècles de vie dans le monde. Personne ne s’en est rendu compte ou presque. Quelques jours plus tard, le pays de l’anniversaire, Haïti, occupait une certaine place dans les médias ; non pas à cause de cet anniversaire de la liberté universelle, mais parce qu’a été provoqué un bain de sang qui a fini par faire tomber le président Aristide. Haïti a été le premier pays où on a aboli l’esclavage. Toutefois, les encyclopédies les plus répandues et presque tous les textes d’éducation attribuent à l’Angleterre cet honneur historique. Il est vrai qu’un beau jour l’empire a changé d’avis, lui qui avait été le champion mondial du trafic négrier ; mais l’abolition britannique s’est produite en 1807, trois années après la révolution haïtienne, et s’est avérée tellement peu convaincante qu’en 1832 l’Angleterre a dû interdire à nouveau l’esclavage. La négation d’Haïti n’a rien de nouveau....
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La prière de Boukman Dutty

Cette prière a été prononcée par le prêtre vodou, Dutty Boukman, esclave né à la Jamaïque, lors de la cérémonie du Bois-Caïman tenue dans la nuit du 13 au 14 août 1791.  Cérémonie qui a permis quelques jours plus tard le soulèvement général des esclaves et qui constitue l'une des premières marches vers l'indépendance d'Haiti en 1804. Kreyol Bon Dje ki fè latè. Ki fè solèy ki klere nou anwo. Bon Dje ki soulve lanmè. Ki fè gronde loray. Bon Dje nou ki gen zorèy pou tande. Ou ki kache nan nyaj. Kap gade nou kote ou ye la. Ou wè tout sa blan fè nou sibi. Dje Blan yo mande krim. Bon Dje ki nan nou an vle byen fè. Bon Dje nou an ki si bon, ki si jis, li odone vanjans. Se li kap kondui bra nou pou nou ranpote la viktwa. Se li kap ba nou asistans. Nou tout fèt pou nou jete potre dje Blan yo ki swaf dlo lan zye. Koute vwa la libète kap chante lan kè nou. Français Le dieu qui créa la terre, qui créa le soleil qui nous donne la lumière. Le dieu qui détient les océans, qui fait gronder...
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Lettre de Jean-Jacques Dessalines au président Thomas Jefferson des Etats-Unis

Au quartier Général, Habitation de Frère, Plaine du Cul de Sac 23 Juin 1803 Jean Jacques Dessalines, Général en chef de l’Armée de Saint-Domingue à Monsieur le président des Etats-Unis d'Amérique Monsieur Le Président, La Goélette des États-Unis (La Fédérale, Capitaine Neheniah Barr) forcée d’entrer dans le port du Petit Goâve par nos chaloupes en croisière, m’offre l’honneur de vous instruire des événements survenus dans notre malheureuse isle depuis l’arrivée des Français et de la révolution qu’y a occasionné la tirannie de leur gouvernement oppresseur. Lassé de payer par l’effusion de tout notre sang le prix de notre aveugle fidélité à une métropole qui égorge ses enfans , le peuple de Saint Domingue, à l’exemple des nations les plus sages, a secoué le joug de la tirannie et juré l’expulsion de ses bourreaux. Déjà nos campagnes sont purgées de leur aspect; quelques villes leur restent encore, mais n’offrent plus rien à leur avide rapacité. Le...
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Lettre de Toussaint Louverture à Napoléon Bonaparte

Général Toussaint Louverture Militaire et Homme d'État haïtien Citoyen Consul,  Votre lettre m’a été transmise par le citoyen Leclerc, votre beau-frère, que vous avez nommé capitaine-général de cette île : titre qui n’est point reconnu par la constitution de Saint-Domingue. Le même messager a rendu deux enfants innocents aux embrassements et à la tendresse de leur père. Mais quelques chers que me soient mes fils, je ne veux point avoir d’obligation à mes ennemis, et je les renvoie à leurs geôliers. Les forces destinées à faire respecter la souveraineté du peuple français ont aussi effectué une descente ; elles répandent partout le carnage et la dévastation. De quel droit veut-on exterminer, par le fer et par le feu, un peuple grossier, mais innocent ? Nous avons osé former une constitution adaptée aux circonstances. Elle contient de bonnes choses, comme vous en convenez vous-même ; mais il s’y trouve aussi, dites-vous, des articles contraires à la souveraineté du peupl...
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I have a dream : Discours historique de Martin Luther King le 28 Août 1963 à Washington

J e suis heureux de me joindre à vous aujourd’hui pour participer à ce que l’histoire appellera la plus grande démonstration pour la liberté dans les annales de notre nation. Il y a un siècle de cela, un grand Américain qui nous couvre aujourd’hui de son ombre symbolique signait notre Proclamation d’Émancipation. Ce décret capital se dresse, comme un grand phare illuminant d’espérance les millions d’esclaves marqués au feu d’une brûlante injustice. Ce décret est venu comme une aube joyeuse terminer la longue nuit de leur captivité. Mais, cent ans plus tard, le Noir n’est toujours pas libre. Cent ans plus tard, la vie du Noir est encore terriblement handicapée par les menottes de la ségrégation et les chaînes de la discrimination. Cent ans plus tard, le Noir vit à l’écart sur son îlot de pauvreté au milieu d’un vaste océan de prospérité matérielle. Cent ans plus tard, le Noir languit encore dans les coins de la société américaine et se trouve exilé dans son propr...
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Les péchés d'Haïti

Eduardo Hughes Galeano Article écrit par Eduardo Galeano en 1996, journaliste et écrivain uruguayen, est l'une des personnalités les plus en vue de la littérature latino-américaine. Ses livres ont été traduits en plusieurs langues. Ses œuvres les plus connues sont Memoria del fuego (1986) et Las venas abiertas de América Latina (1971). La démocratie haïtienne est née il y a peu de temps. Au cours de sa brève vie, cette créature affamée et malade n'a reçu que des gifles. Elle est née récemment au cours des fêtes de fin d'années de 1991, quand elle a été assassinée par le coup-d'état du général Raoul Cédras. Trois ans plus tard, il a été ressuscité. Après avoir fait entrer et sortir tant de dictateurs militaires, les États-Unis ont fait déposé et remis au pouvoir le président Jean-Bertrand Aristide, qui avait été le premier dirigeant  élu par le vote populaire dans l'histoire d'Haïti et qui avait eu la folie de vouloir un pays moins injuste. Le vote et le vet...
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